La disparition du caribou
Vers 1900, manifestement, on extermine le caribou, ce grand ongulé, au nord et au sud du Saint-Laurent, dans la région de Québec. La chasse est permise du 1er septembre au 1er février et on s’en donne à cœur joie.
Dans les journaux, les mentions abondent. Voici quelques-unes d’entre elles.
Le 3 février 1895, le Quotidien de Lévis écrit : Deux chasseurs du faubourg Saint-Roch tuent quatre caribous en l’espace de sept heures à Saint-Casimir, comté de Portneuf.
Cinq ans plus tard, le 22 janvier 1900, c’est au tour du journal Le Soleil : Toutes les personnes qui sont allées, ce matin, au marché Finley [à Québec], ont pu admirer de splendides têtes de caribous avec peau et panache. Ce sont de jeunes caribous qui ont été tués dernièrement dans la Beauce.
Le 5 février 1901, La Patrie titre On massacre le caribou dans le district de St-Henri de Lauzon. Et la nouvelle se lit comme suit : On massacre le caribou dans le district de St-Henri de Lauzon, de ce temps-ci, mais les transgresseurs de la loi vont avoir à rendre compte de leur conduite à Dame Justice d’ici à quelques jours, et ils seront certainement mis à la raison. M. T. Poston, l’énergique inspecteur du Revenu Provincial, est parti, hier matin, pour se rendre sur les lieux, s’assurer des faits et voir ensuite à ce que la loi de chasse soit scrupuleusement respectée après avoir jeté le grappin sur les auteurs de la boucherie.
Le lendemain, La Patrie revient à la charge sous le titre Pauvre chevreuil, malheureux caribou ! On les égorge dans certaines parties sud est de la province.
On dit que par suite de l’épaisseur de la couche de neige qui existe dans les bois, de ce temps-ci, le chevreuil et le caribou sont très faciles à tuer, et qu’un certain nombre de chasseurs sans scrupule et sans vergogne les égorgent et les massacrent même à coups de couteau de boucherie par centaines.
Ces massacres ruineux se pratiquent habituellement, paraît-il, dans les bois des paroisses éloignées de la rive sud. On cite en particulier un individu du Sault Montmorency, une espèce de trappeur, de coureur des bois, qui joue ainsi du couteau dans les bois de la rive sud, au grand détriment du gros gibier. Les autorités ne feraient pas mal d’avoir l’œil sur le braconnier en question.
Aujourd’hui, le caribou est, bien sûr, disparu dans la région de Québec. Il faut aller bien loin pour en retrouver.
Ces deux photographies prises vers 1940 sont de Paul Provencher, le coureur de bois. La légende de celle du haut, selon mon oncle Paul, doit se lire : Adolphe Gamache se fait une tasse de thé, dans un terrain typique à caribou où abondent les lichens, les cladonies. Et celle du bas : Sept caribous ont été repérés sur les hauteurs du lac Cody, rivière McDonald, Port-Cartier.
Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Paul Provencher, Cote E6, S9, P81 et P82.
Que c`est triste. Heureusement qu`il y a un petit troupeau en Gaspésie, qui a pu être sauvé de ce massacre. Et un grand merci à un monsieur qui demeurait près de chez moi lorsque j`étais enfant. Benjamin Simard mieux connu sous le nom de Ben Caribou. Un biologiste qui a réintroduit un petit troupeau de caribou dans la réserve faunique des Laurentides, à la fin des années 60 et début 70. Certains hommes font le pire et d`autres font des choses extraordinaires. Heureusement.
Bonne journée.
Merci, cher Denis. On m’a déjà dit que le caribou de la Gaspésie et celui du Grand Nord sont deux espèces différentes. Je me demande, justement, si notre caribou du début du 20e siècle, au sud de Québec, dans la Beauce en particulier, n’est pas cette variété de caribou qui a migré vers la Gaspésie.
Le troupeau de la Gaspésie est en fait un écotype montagnard du Caribou des bois, la seule espèce que l’on retrouve au Qc. On retrouve ainsi deux autre écotypes, soit le toundrique du Nord de la province et le forestier qui utilise encore la ceinture boréale. La petite population de la Gaspésie serait donc une relique du cheptel que l’on retrouvait au sud du St-Laurent en 1900. J’ai eu vent de bêtes abattues au sud de Rimouski dans les années ’70 et dans le secteur de Lac Etchemin quelques décénnies plus tôt.
Passionnant, merci M. Provencher.
JFD
Ô, merci infiniment, cher Monsieur Dumont, d’éclairer nos lanternes à ce sujet. J’apprends donc que nos caribous en 1900 au sud du Saint-Laurent, devant Québec, sont bien des ancêtres des caribous de la Gaspésie. Wow ! Je suis fort heureux de le savoir maintenant.
Douze heures plus tard, cher Monsieur Dumont, je reviens à nos caribous. J’aime savoir que notre population de caribous est assez complexe finalement. Quelqu’un s’y est-t-il attardé ? Existe-t-il un article long, même un ouvrage sur le sujet, qui nous donnerait à mieux la connaître ?
Disparus le caribou dans les sud du québec ,mais encore tres présent dans la toponymie!Il fait une retour discret et est souvent capter par les nombreuses caméra de chasseur(buck timer)un peu partout au lac st jean!
Au point de vue de la toponymie, vous avez tout à fait raison, Monsieur Gaudreault. Les mentions de caribou sont fort nombreuses. Est-ce la bête elle-même, est-ce la musicalité du mot et son étrangeté ? Chose certaine, il m’apparaît qu’il y a beaucoup plus de mentions du caribou que de l’orignal ou du chevreuil.
Et tant mieux si on le voit un peu partout au lac Saint-Jean. Prenez-en soin. Nous ici, en bas, on l’a fait disparaître.
Merci beaucoup à Monsieur Dumont qui m’a fait parvenir dans ma boîte courriels des documents, sérieux et fort enrichissants, sur notre caribou. Des documents qui rassurent, qui montrent que nous sommes bien éveillés à son sujet.
Bonjour M. Provencher,
Une amie m’a signalé votre intérêt pour la disparition du caribou au sud et au nord du St-Laurent. J’ai eu la chance de côtoyer par mon travail les gens du Ministère des Ressources naturelles et de la Faune qui ont procédé à la réintroduction du caribou dans les Grands-Jardins (anciennement le parc national des Laurentides). Quelques années plus tard, j’ai eu la chance de faire une étude télémétrique sur le petit troupeau qui avait réussi à s’y installer. Connaissant mon intérêt pour ce projet, on m’avait légué toutes les photos qui se rapportaient à la capture dans le nord (milieu des années 1960), à l’élevage en enclos et à la libération (années 1970). Avant de partir pour la retraite, j’ai laissé ces dossiers à des personnes respectueuses de l’histoire mais très occupées par leur charge de travail. J’aimerais faire quelques chose pour conserver ce matériel pour la postérité. Pouvez-vous m’aider? Je vais vous envoyer également des documents que j’ai produits sur l’histoire de ce caribou. Merci et félicitations pour votre site que je visite pour la première fois.
Chère Madame Jolicœur, bien heureux de vous savoir là. Ce fonds dont vous me parlez semble très riche. Vous avez tout à fait raison de vous préoccuper pour sa sauvegarde. Je vais communiquer sous peu avec vous par courriel. Imaginons des solutions.
Bonjour M. Provencher! Je suis tombé sur votre article hyper intéressant et je vous invite à lire le mien également si le coeur vous en dit :
https://www.shsbdl.org/post/la-chasse-au-caribou-%C3%A0-laval-au-19e-si%C3%A8cle
Bonne journée!