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Un bal poudré à Valois

Vous vous souvenez sans doute de Valois. Ce lieu de villégiature, donnant sur le lac Saint-Louis, se trouve en 1900 au fond de ce qu’on appelle alors la Grande Anse de Pointe-Claire. Nous l’évoquions le 27 juillet dernier lors de la tenue à cet endroit d’une grande fête nautique, à laquelle participaient plus de 40 chaloupes toutes illuminées. Une gare de chemin de fer du Grand Tronc voisine l’impressionnant Château Saint-Louis, haut de trois étages et couronné de quatre tours, au sommet desquelles flottent des drapeaux.

Mais, jamais au grand jamais, je n’avais entendu parler de bal poudré au Québec. Qu’est-ce donc ? Le journal La Presse nous en informe le 30 août 1907.

 

La saison de villégiature est finie. La saison de villégiature est morte. Ses funérailles ont eu lieu hier soir, au Château Saint-Louis, et c’est aux accords langoureux des violons que les nombreux citadins, qui ont vécu de si heureuses heures à Valoisville et dans les environs, ont fait leurs adieux à l’été en allé.

Pour parler le langage positif, nous dirons que la direction du Château Saint-Louis de Valoisville, voulant clore dignement la saison d’été, avait organisé un grand bal poudré qui a eu lieu hier soir.

Au delà de cinq cents invitations avaient été lancées. La fête a obtenu un éclatant succès et a été le splendide couronnement d’une brillante saison trop tôt écoulée. Plus de trois cents personnes, appartenant à l’élite de la société, avaient accepté avec empressement l’invitation de Monsieur E. Théberge, propriétaire du Château Saint-Louis.

Les toilettes des dames étaient coquettes, ravissantes, et le spectacle des jeunes figures, encadrées de cheveux poudrés, avait un charme subtil d’évocation et donnait à la fête un cachet de distinction qui séduisait tout de suite.

M. E. Théberge, secondé par Mlles Théberge et M. J. R. Grenier, gérant de l’hôtel, fit dignement les honneurs du Château, et nous nous plaisons à les féliciter sur le succès qu’ils ont remporté. Leur généreuse hospitalité si franchement française, leur urbanité, leurs délicates attentions, ont été appréciées comme elles le convenaient.

Les visiteurs commencèrent à arriver de bonne heure, chaque train apportant un nouveau contingent. Toutes les salles et les salons étaient remplis d’une foule élégante et gaie qui débordait sur la véranda, et même sur la pelouse. L’hôtel était éclairé a giorno, et il présentait un très joli coup d’œil au milieu des grands arbres sombres qui l’entourent.

L’orchestre Blaxi engagé pour la circonstance exécuta un très joli programme de danses, qui se continua presque jusqu’au matin. L’animation ne ralentit pas un seul instant.

 

Comme le veut la coutume dans les journaux de l’époque, suivent les noms d’un grand nombre de personnalités ayant participé à la fête. Parmi ces gens, apparaît Omer DeSerres, qui, l’année suivante, acquiert une ferronnerie à Montréal, à l’angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Denis, qu’il transformera en quincaillerie. S’y trouve également Irma Levasseur, première femme médecin de langue française au Québec. Celle-ci participe à la fondation de l’hôpital Sainte-Justine, à Montréal, soigne les victimes d’une épidémie de typhus en Serbie au cours de la Première Grande Guerre, puis regagne Québec, sa ville natale, pour fonder dans sa résidence, rue Grande-Allée, un premier dispensaire pour les enfants malades, l’hôpital de l’Enfant-Jésus, déménagé quelques années plus tard à l’angle du boulevard Henri-Bourassa et de la 18e Rue. Joseph Versailles, lui, vient de créer l’une des premières maisons de courtage au Québec dirigées par des Canadiens français et présidera à la fondation de la ville de Montréal-Est.

Puis le journal La Presse poursuit son propos.

La direction du Château a donné un bal chaque jeudi soir depuis son ouverture le 1er juin. Celui d’hier est le dernier de la saison d’été.

La Château Saint-Louis, qui est construit à quelques pas de la station de Valois, domine toute la baie qui se trouve en face. Il est sis au milieu d’un bosquet d’arbres, dans un endroit idéal. C’est de beaucoup le plus bel hôtel d’été de l’île de Montréal et il peut soutenir la comparaison avec les grands hôtels des Adirondacks, du lac Champlain, de Old Orchard Beach, etc. Il a de plus cet avantage de se trouver à trente minutes de Montréal.

Pour clôturer l’été, à chacun son bal. En plein cœur de Montréal, c’est un bal chez Boulé. En banlieue, un bal fort élégant de la grande société.

 

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Gérald Léonard #

    Fêter la fin de la belle saison!

    Très bel article mais ce que je retiens c’est la nuance que vous faites entre ‘ferronnerie’ et quincaillerie’. ( depuis les DeSerres ont changé la vocation de leur magasin pour s’occuper des artistes en herbe ou pro)
    J’aimerais savoir si à Québec l’expression  »magasin de fer » existait comme à Montréal, entendue jusque dans les années ’60 je dirais.

    31 août 2011
  2. Jean Provencher #

    À Québec, cher monsieur Léonard, je ne pourrais vous dire. Mais à Trois-Rivières, oui. Habitant rue Cartier, au pied du côteau, nous allions au magasin de fer de la rue Saint-Maurice.

    28 novembre 2011

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