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Une catastrophe !

Le 29 août 1907, un peu passé 17 heures 30, une travée du pont de Québec, en construction, cède dans un fracas épouvantable. Michel L’Hébreux écrit : Le bruit est terrible et se fait entendre à plusieurs milles à la ronde. Toutes les maisons des alentours sont secouées comme par un terrible coup de vent et les gens à proximité voient le pont tomber dans le fleuve, tandis qu’une épaisse poussière s’élève dans le ciel. Une colonne d’eau, d’une immense hauteur, s’élève dans le fleuve et est refoulée avec une force prodigieuse vers le rivage, l’inondant sur une longueur d’une cinquantaine de pieds. Le sol est ébranlé comme par les secousses d’un grand tremblement de terre dont on ressentira les effets jusqu’à Lévis.

Sous le titre de Grand désastre national, le journal La Presse, du 30 août 1907, consacre cinq pleines pages à cet événement. Il parle de scènes d’horreur. Des cris d’angoisse et de douleur percèrent ça et là, à travers les débris. Mais, dans beaucoup de cas, le sauvetage était impossible. Des hommes retenus par les pièces, comme par d’énormes clous, écrasés horriblement, perdant leurs entrailles, gisaient hors de la portée de tout secours, l’enchevêtrement des débris écroulés rendant impossible l’accès de la scène. Plusieurs avaient été précipités dans le fleuve et on ne les revit plus. […] On fait des efforts pour retirer un malheureux, penché, inerte, sur une poutrelle, on ne retire que la partie supérieure du corps, la pièce d’acier l’a coupé en deux parties. Plus loin, un bras est crispé sur l’acier ensanglanté; il reste dans la main du sauveteur horrifié, il a été détaché du tronc. Les ténèbres planent maintenant sur toutes ces horreurs sans nom. Les appels continuent, mais ce sont ceux des sauveteurs maintenant qui munis de fanaux courent à la recherche des blessés que la douleur a vaincus. On retrouvera peut-être demain leurs cadavres en bouillie sanglante. À l’heure où je vous adresse cette dépêche, les recherches se continuent, mais il est bien difficile d’établir le bilan des blessés et des morts.

Finalement, le lendemain, à l’appel des ouvriers, 76 d’entre eux sont manquants : 33 Indiens de Caughnawaga, 26 Canadiens et 17 Américains. Parmi ces derniers, la plupart étaient ingénieurs ou occupaient des fonctions importantes au sein de la Phoenix Bridge Co., la compagnie américaine chargée de la construction. Parmi ces victimes, écrit L’Hébreux, plus d’une cinquantaine ont péri écrasées ou enlisées sous un amoncellement de blocs de fer, tandis qu’une vingtaine d’autres se sont noyées dans le fleuve Saint-Laurent.

Une longue commission d’enquête conclura que l’effondrement est venu de la rupture des membrures inférieures de la culée d’ancrage près du pilier principal. La rupture de ces membrures était due à leur conception défectueuse et non à des conditions anormales de température ou à un accident. Et de rajouter L’Hébreux : Le plan des membrures qui se sont rompues avait été fait par M. P. K. Szlapka, l’ingénieur dessinateur de la Phoenix Bridge Co., et il avait été examiné et officiellement approuvé par M. Théodore Cooper, ingénieur consultant de la Quebec Bridge And Railway Co. La rupture ne peut être attribuée à d’autres causes qu’à des erreurs de jugement de la part de ces deux ingénieurs.

L’image ci-haut faisait la une de La Presse du 31 août 1907. Au sujet de la longue histoire du pont de Québec, qui tombera à deux reprises au moment de sa construction, l’ouvrage capital est bien sûr celui de Michel L’Hébreux, Le Pont de Québec, Québec, Édition du Septentrion, 2008. http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/livre.asp?id=2915

 

Un commentaire Publier un commentaire
  1. Yves #

    Cet article de Mr. L’ Hébreux me glace le sang. Quelle tragédie pour ces nombreux ouvriers, leurs familles et les sauveteurs, atroce !

    Merci à ces courageux travailleurs, ils nous ont offert une merveille de l’ ingénierie unique au monde, un pont de type canteliver de 549 mêtres entre les deux principaux piliers, le seul existant avec une telle portée, construit au début du XX ieme siècle, avec les moyens de l’ époque, une oeuvre d’ art exceptionnelle.

    29 août 2011

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