Enfin la photographie en couleurs
Quelle nouvelle en 1907 ! Deux chimistes lyonnais, les frères Auguste et Louis Lumière, arrivent à mettre au point la photographie en couleurs. Exultant, le journal La Presse annonce dans son édition du samedi 10 août 1907 — loin cependant, en page 20 — cette nouvelle qui bouleversera l’image.
Point n’est besoin de dire que de ce seul fait, l’année 1907 marquera une époque dans les annales photographiques, et, en même temps, dans l’évolution du journalisme illustré, d’écrire le journaliste.
Pour bien comprendre l’importance de l’invention, le quotidien montréalais demande l’assistance des photographes J. N. Laprès et J. Lavergne, qui tiennent chacun un studio à Montréal. Laprès préside l’Association des photographes du Canada.
Depuis longtemps, on savait que ces deux frères lyonnais — déjà universellement connus comme fabricants de plaques — tenaient la solution du problème de la photographie des couleurs. Ces messieurs, toutefois, attendaient leur moment qui est enfin venu. Les journaux français ont fait grand bruit autour de la découverte. On en a déjà, par delà l’Atlantique, commencé l’application. Et MM. Laprès & Lavergne, loin de se limiter aux conférences, vont dès que cela leur sera possible l’introduire dans leurs ateliers de photographies.
Un grand peintre disait, aux débuts de la photographie, alors que celle-ci ne venait encore que de sortir de ses langes, que cet enfant nouveau-né tuerait la peinture. Prévoyait-il la photographie des couleurs ? En effet, dorénavant, plus ne sera besoin du pinceau d’un peintre pour fixer les couleurs variées d’un paysage, les teintes d’une figure humaine. Le photographe des couleurs écrasera le peintre sous la supériorité de son exactitude. […]
Nous n’entreprendrons pas d’expliquer à fond le procédé. Les détails techniques abondent et l’espace nous est mesuré. Le principal est que la photographie des couleurs existe. L’Illustration de Paris publiait récemment de splendides photographies des couleurs.
Il va sans dire que cette reproduction dans le journal est par le procédé chromo; car les MM. Lumière ont bien fixé les couleurs sur la plaque sensitrilisée; mais ils n’ont pas pu encore transférer ces couleurs sur le papier à photographie.
Comme le dit M. Laprès, il n’y a que les bons photographes et les chimistes distingués qui puissent bénéficier de la photographie des couleurs au point où elle en est rendue.
Et les amateurs ? demandons-nous.
Mais il n’y en aura pas, voilà tout, pour un temps du moins. Songez qu’il y a vingt ans, il n’y avait pas d’amateurs pour la photographie ordinaire. Ce n’est que plus tard qu’on mit celle-ci à leur portée.
Enfin, quel est votre sentiment sur la photographie des couleurs ?
Si elle ne fait pas l’affaire des peintres ni des amateurs, par contre elle va favoriser énormément les photographes qui s’y adonneront. C’est ni plus ni moins qu’une révolution dans notre art.
Dire qu’en 1907, la photo couleur faisait son apparition. Cela fait déjà plus de cent ans. Et où sera-t-elle dans cent ans?
C’est bien beau la couleur, mais il y a des cas où les noirs, les blanc et les gris sont de loin préférable.
Si on recherche une atmosphère plus poétique ou dramatique on peut jouer avec les valeurs claires ou les valeurs sombres. C’est ainsi qu’un élément sombre, dans des valeurs claires (tons de blanc ou de gris) joue un rôle de contrepoint visuel et renforce l’impact de l’image. Le contraire est aussi acceptable.
Les valeurs claires s’accordent avec les portraits d’enfants, les nus ou les payssages lointains. Les valeurs foncées ont quelque chose de mystérieux et de dramatique.
Bien entendu, le choix appartient à celui qui se tient derrière la caméra.
Et vous, êtes-vous noir et blanc ou couleur?
Vous avez bien raison, Belle Acadienne, d’y aller de toutes ces nuances. Encore aujourd’hui, des photographes continuent de travailler exclusivement en noir et blanc et ils en sont fort heureux. À vrai dire, jamais le noir et blanc ne fut déclassé par l’arrivée de la couleur, pas plus que la peinture d’ailleurs. Il faut fréquenter les grands tableaux de Jean-Paul Riopelle, au Musée des beaux-art du Québec, d’une grande beauté, pour se rendre compte que la peinture n’en était vraiment pas à ses dernières heures. Ce cher Laprès, prédisant alors que la peinture serait écrasée par la photographie en couleurs, était, dis-je poliment, dans les patates.
Suis-je noir et blanc ou couleur, me demandez-vous ? Cela dépend, et vous l’expliquez fort bien. Pour certaines images anciennes, le sépia aussi me jette par terre parfois, tant ça donne un résultat absolument étonnant, charmant.
Pour les deux images apparaissant ici, chacune a ses qualités, je trouve. Sur celle en couleurs, on aperçoit bien, en haut à gauche, la créatrice de cette œuvre élevée dans les hampes, déjà desséchées, des hémérocalles devant la galerie. Sur la seconde, en noir et blanc, on distingue bien tout le travail auquel dut se soumettre Madame araignée pour tisser cette réalisation. Quelle besogne pour que tout cela tienne ainsi ! La dame peut maintenant se reposer un brin, attendant la venue d’un insecte qui viendrait s’y prendre. Gloire à elle.