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Ah Hiver, que n’a-t-on pas écrit en ton nom !

En 1965, Pauline Collet publiait aux Presses de l’Université Laval L’hiver dans le roman canadien-français. Nous pourrions très bien imaginer aujourd’hui un ouvrage ayant pour titre L’hiver dans la presse québécoise d’autrefois. Le 11 novembre 1886, L’Étoile du Nord y va de cet article digne de servir aux fins de ce livre.

 

 

Un ami de notre feuille nous communique la chronique suivante sur l’hiver :

L’HIVER

Voici l’hiver avec son cortège de misères et d’incommodités, avec ses froids intenses et ses tempêtes terribles. La terre disparaît sous son linceul de neige comme une morte qu’on recouvre du drap mortuaire après les dernières palpitations de vie; les arbres dépouillés de leur feuillage semblent de grands cadavres que la bourrasque fait agiter en tous sens.

Toutes les voix de la nature ont cessé leurs accents harmonieux, le chantre ailé ne fait plus résonner les échos de ses tendres mélodies, il a quitté notre continent pour aller sur un sol plus hospitalier continuer son hymne de reconnaissance et d’action de grâces à son Créateur; le murmure enchanteur du ruisseau dans la vallée a fait place au bruit strident et plaintif de la rafale qui fait tourbillonner la neige et l’accumule en montagnes; enfin ces mille et mille voix du grand concert terrestre qui s’élève comme un cantique de louanges et de remerciements ne viennent plus réjouir nos oreilles et ouvrir nos cœurs aux douces joies. Loin de là, la pensée de la mort règne en souveraine, elle nous présente partout sa triste et lugubre image. […]

Ces jours sans soleil et sans chaleur sont un aliment pour la tristesse. L’âme, ce puits profond et mystérieux de mélancolie, cherche des émotions qui la remplissent en la navrant; l’imagination se promène dans l’inconnu, se crée des fantômes qui bientôt se dissipent. […]

L’hiver a aussi ses joies. Qui ne se rappelle ces longues soirées passées au coin du feu, au milieu de ses parents et de ses amis. Le souvenir qu’elles ont laissé dans nos âmes nous procure encore un charme indescriptible.

Assis autour du poêle dont la chaleur énervante nous causait des sensations douces et agréables les vieillards nous rappelaient les prouesses du bon vieux temps ou nous racontaient des histoires terribles, effrayantes qui faisaient frissonner de crainte les plus jeunes et les plus faibles.

Leur imagination superstitieuse nous dépeignait le loup garou parcourant la campagne, le bête à grande queue, des feux follets poursuivant avec acharnement leur proie; mille et un faits semblables qui piquaient notre curiosité enfantine et nous faisaient trouver courtes ces longues soirées.

Le souffle plaintif de la bourrasque, les efforts toujours renaissants de la tempête nous faisaient goûter davantage les douceurs et les charmes du foyer paternel. Oh, heures trop heureuses de la vie ! vous n’êtes plus, jours trop écoulés ! vous vous êtes évanouis comme une ombre, vous vous êtes dissipés, emportés par le vent de la destinée, comme la feuille d’automne que l’ouragan balaye devant lui pour la jeter dans quelques coins ignorés.

Les douces réminiscences que nous avons conservées de ces joyeux temps de notre vie sont encore pour nous un éclair de bonheur dans les longs jours de la mélancolie.

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