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Un tunnel sous la Manche

Dès le début du 19e siècle que des ingénieurs songent à un tunnel sous la Manche. Mais, en Angleterre, toujours, une majorité résiste. La Manche est une protection, un rempart contre l’étranger. Encore, en 1906, un député anglais remet la question du tunnel sur la table. Le journal La Patrie, à la une du 30 mai 1906, évoque le sort qu’on réserve à sa proposition.

On annonce que Sir William Holland, député libéral, soumettra dans quelque temps à la chambre des communes l’ordre du jour suivant :

«La chambre estime qu’étant données les modifications de la situation internationale, il est désirable de prendre en considération la question du tunnel sous la Manche, reliant l’Angleterre et la France.»

 La question du tunnel sous la Manche est une question très délicate en Angleterre. La plupart des journaux et la grande majorité du peuple anglais sont toujours opposés à la construction d’un tunnel sous la Manche pour des raisons de pure sentimentalité. Ils donnent comme prétexte que l’Angleterre a tout intérêt au point de vue stratégique, étant donnée son énorme supériorité maritime, à rester une île dans le sens le plus strict du mot.

Quand on leur dit qu’une simple cartouche de dynamite suffirait pour faire sauter le tunnel en cas de guerre, ils répondent : «C’est exact, mais qu’est-ce qui nous garantit qu’on ne le fera pas sauter après et non avant que les troupes hostiles l’auront traversé et seront entrées chez nous ?»

Ceux qui, par contre, sont partisans du tunnel — le marquis de Lansdowne, ancien ministre des affaires étrangères, et lord Edmund Fitz-Maurice, le sous-secrétaire d’État actuel aux affaires étrangères, sont du nombre — font ressortir la grande utilité d’un tunnel en cas de guerre avec un autre pays que la France.

Une grande partie de la flotte anglaise qui, en cas de guerre, serait chargée de protéger les navires marchands qui apportent des vivres en Angleterre — l’Angleterre est nourrie par l’étranger — pourrait être utilisée contre la flotte ennemie, si l’Angleterre pouvait recevoir du continent par le tunnel les approvisionnements qui lui sont nécessaires, dans le cas bien entendu où la France ne serait pas la puissance ennemie, ce que tout bon Anglais espère. Ils font, en outre, ressortir que le nombre de Français se rendant en Angleterre et le nombre d’Anglais se rendant en France augmenteraient énormément, chose extrêmement utile.

Il n’y a pas de doute que les objections anglaises à la construction du tunnel disparaîtront avec le temps, mais  il est impossible de dire si ce moment arrivera dans dix, dans vingt ou cinquante ans.

 

Finalement, beaucoup d’années plus tard, de 1987 à 1993, le tunnel sera construit et on l’ouvrira à la circulation le 1er juin 1994.

Ce sujet d’un tunnel sous la Manche me ramène à ma grande quête. Depuis de très nombreuses années, je suis à la recherche du grand ouvrage sur le principe de l’insularité. Non pas d’une monographie sur une île donnée, mais bien d’une réflexion sur le sujet. Qu’est-ce qu’habiter une île fait à une personne, à une communauté ? Quelle mentalité développe-t-elle à l’égard d’autrui ? Est-ce que tout insulaire est un irréductible ?

La photographie de l’entrée du tunnel sous la Manche près de Coquelles, en France, est de Holger Weinandt; elle apparaît sur la page Wikipédia consacré à ce tunnel.

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