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Bien étrange poème

D’un homme d’âge mûr à une jeune fille de huit ans. Que comprendre ?

À Mlle Yvonne Désaulniers
Âgée de huit ans.

C’était pour moi, mademoiselle,
Vous me l’avez dit sans détours,
Pour moi que vous étiez si belle,
Si charmante en vos frais atours.

Vous m’avez mis le cœur en fête;
Et malgré toutes mes vertus,
Vous m’auriez fait perdre la tête
Eussiez-vous eu dix ans de plus.

Mais un abîme nous sépare;
J’aurai bientôt des cheveux blancs;
Et votre front d’ange se pare
De la grâce de huit printemps.

Je serai vieux et j’en soupire,
Quand votre jeunesse en fleur,
Votre regard, votre sourire
Auront pris toute leur valeur.

Hélas ! dans le cœur tout s’efface !
À l’heure des grandes amours,
Garderez-vous une humble place
Au vieil ami des anciens jours ?

Mais, en attendant, chère Yvonne,
Ce temps encore si loin de nous,
Viens, viens, embrassons-nous, mignonne,
Nul n’en saurait être jaloux.

Si tu m’oublieras, je l’ignore;
Aujourd’hui ton cœur s’en défend;
Mais ce sera beaucoup encore
D’avoir eu ton amour d’enfant.

 

Ernest Marceau
Ottawa, 7 mai 1890

Paru dans le quotidien sorellois Le Sud, 16 décembre 1890.

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