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Articles de la catégorie ‘Carnets des temps d’hier’

J’aime bien Arthur Koestler (1905-1983), romancier, journaliste et essayiste hongrois, naturalisé britannique. J’aime beaucoup L’étreinte du crapaud, Le démon de Socrate, Le cheval dans la locomotive et Les racines du hasard. Sa grande œuvre dans le monde des essais est Le cri d’Archimède. Ce livre de plus de 450 pages ouvre des lumières sur « Qu’est-ce que la création ».

Échappons un premier passage. Nous ne pourrons tout mettre. Donnons-lui la parole à la page 73.

En disant de la découverte qu’elle est un art affectivement « neutre», je n’entendais pas par neutralité l’absence d’émotions — qui équivaudrait à l’apathie — mais ce mélange sublimé et équilibré de motivations dans lequel l’égotisme est utilisé, mis au travail, et dans lequel, d’autre part, les spéculations hardies sur les mystères de la nature doivent se soumettre aux rigueurs de la vérification objective.

Nous verrons que la manifestation des émotions au moment de la découverte revêt deux aspects, qui reflètent cette polarité de motivations. Il y a l’explosion triomphale de la tension soudain inutile puisque le problème est résolu — et l’on saute du bain, on court dans la rue en criant : Eurêka! Il y a aussi la chaude lumière qui s’assombrira lentement, la longue purification des émotions transcendantales au moi : la calme et voluptueuse contemplation de la vérité découverte, plaisir étroitement apparenté à celui de l’artiste en présence de la beauté.

L’Eurêka! est l’explosion des énergies qui doivent nécessairement trouver une issue puisque le motif de leur mobilisation n’existe plus; la réaction purificatrice est le déploiement intérieur d’une sorte de « sens océanique », suivi de son lent reflux. Le premier vient de ce que la découverte a été faite par « Moi »; la seconde, de ce qu’une découverte a été faite, une fraction de l’infini révélée. Le premier tend à provoquer un état d’agitation physique apparente au rire; la seconde tend à la quiétude, à l’apaisement, parfois à de paisibles larmes.

Arthur Koestler, Le cri d’Archimède. L’art de la découverte et la découverte de l’Art, Paris, Calmann-Lévy, 1965, p. 73.

Je reviens à Satprem, chers vous autres. Rappelez-vous. Je Vous le présentais. Un sage d’origine bretonne, Bernard Enginger, né à Paris en 1923 et décédé en Inde le 9 avril 2007. J’aime beaucoup cet homme qui a longtemps vécu en Inde. J’ai mis la main sur quelques-uns de ses livres à Montréal durant les années 1970, des livres-joie, je dirais. Voilà c’est ce que je vous disais. Prenons un extrait de son livre Par le corps de la terre, un livre très riche. Allons à la page 420.

Un jour, j’étais parti en quête d’une vie plus vraie, et j’avais couru l’aventure de l’or, comme j’aurais couru l’aventure des oiseaux-lyres ou du pôle Nord, n’importe, pourvu qu’on respire le large ; et j’avais trouvé des frontières, des polices, des forêts mises en carte, des découvreurs qui découvraient seulement leur misère noire.

J’avais trouvé que l’aventure était ailleurs, sous nul tropique, et que toutes les routes du dehors finissaient dedans ; j’étais devenu Sannyasin, comme je serais devenu derviche-tourneur ou corybante, n’importe, mendiant couvert de cendres et nu, pourvu qu’on respire large, pourvu que la vie soit libre et vraie ; et j’avais trouvé les grands chemins d’en haut où la lumière rayonne, j’avais entendu la musique qu’on n’oublie plus, le Rythme qui rythme tout, j’avais bu la grande bolée qui délivre — et puis j’avais perdu la terre. Et chaque route se refermait sur son contraire, chaque aventure finissait sur une anti-aventure, comme si chaque oui conduisait à un non.

Ou était-ce seulement la fin d’une courbe, le passage à un oui plus grand, une aventure plus vraie ? Et peut-être n’y avait-il jamais eu de non, nulle part, à aucun moment, rien à nier, rien qui nie : seulement un Oui toujours plus large qui montait en vrille comme les spires des turritelles ?

Connaissez-vous Albert Brie, l’écrivain et humoriste québécois né à Québec (1925-2015). Il a fait sa vie lui-même, autant à la radio, à la télé, et dans les journaux.

Le voici ici dans le quotidien montréalais Le Devoir en 1983.

Je viens de lire que, de tous les gens du monde, les Canadiens sont ceux qui parlent le plus volontiers du temps qu’il fait.

J’entends de méchantes langues conclure que ce fait nous classe, qu’il est le signe que nous manquons d’imagination, d’originalité; ou encore que, méfiants, nous évitons d’aborder de but en blanc les sujets litigieux ou trop personnels.

C’est trop vite dit. La raison qui, à mon sens, explique notre bavardage intarissable sur la pluie et le beau temps, est d’ordre sociologique.

Lee experts en climatologie vous diront que nous vivons sous l’un des ciels les plus changeants et les plus excessifs qui se puissent voir. C’est sans doute le prix que nous payons pour habiter un territoire à l’abri des grands cataclysmes.

À force de questionner la météorologie, j’ai observé la récurrence, depuis le début de l’hiver, de cette prévision : « Ciel variable ». « Souvent ciel varie, bien fol qui s’y fie ! » soit dit en passant, pour pasticher Hugo. (…)

Qui s’est déjà employé à calculer les heures d’un journée requises pour composer avec le temps qu’il fait au cours d’une année ? Il en arriverait à un chiffre effarant. Et quatre fois par an, c’est à recommencer. on n’a pas le temps de se conditionner, de s’harmoniser aux impératifs de nos cieux éphémères, incertains, inconsistants. C’est comme en amour : tout passe, tout lasse, tout casse.

Comment voulez-vous qu’ayant à lutter avec un climat aussi dérangé, asymétrique, convulsif, on ne fasse pas du temps le grand sujet de notre conversation. Le chaud, le froid, la neige, la pluie, le gel à pierre fendre, la chaleur d’étuve, la chaussée glissante, les pannes de courant, les factures de vêtement, du chauffage, les mesures de défense contre les offensives des intempéries cycliques, etc… autant de traces, de désagréments, de mauvaises surprises qui sollicitent notre énergie, usent nos résistances, hypothèquent nos loisirs, grèvent nos ressources d’argent.

Impossible de ne pas être obsédé par le temps qu’il fait, qu’il fera et qu’il pourrait faire. Il est heureux qu’il en soit ainsi. Toute cette dépense de salive belliqueuse contre notre climat impossible est un dérivatif. Sans lui, ce serait la guerre civile.

Connaissez-vous Satprem ? C’est un sage d’origine bretonne, Bernard Enginger, né à Paris en 1923 et décédé en Inde le 9 avril 2007. J’aime beaucoup cet homme qui a longtemps vécu en Inde. J’ai mis la main sur quelques-uns de ses livres à Montréal durant les années 1970, des livres-joie, je dirais.

Voici un extrait de cet ouvrage paru en 1971, page 60 et suivante. Selon lui, la Vérité est « la plus simple chose au monde, c’est pourquoi nous ne la voyons pas. »

Il est un rythme de vérité « autour et partout, une vaste coulée tranquille, une étendue de temps légère, où les jours et les heures et les ans semblent suivre le mouvement imprescriptible des étoiles et des lunes, monter, descendre comme une houle du fond des âges, se raccorder au déroulement total, et emplir cette petite seconde qui passe d’une éternité d’être.

Nous avons pris position là, dans cette petite clairière; c’est notre base, notre grande vacance claire partout, notre Himalaya des boulevards, notre toute petite chanson inaltérable. Et, finalement, nous nous apercevons qu’il n’est pas besoin de « faire » ou « de ne pas faire »; d’intervenir ou non, de vouloir ou non, de maîtriser : il suffit d’être là, d’être bien là, et de laisser couler ça, ce petit rythme dans les choses, cette cadence claire dans l’obscurité des circonstances, ce tranquille rayon sur les êtres. Et tout s’arrange, simplement, merveilleusement, sans que l’on sache pourquoi, par le seul fait que l’on est là.

C’est comme un dissolvant des ombres, un conducteur d’ordre, un transmetteur de paix et d’harmonie, un rectificateur de rythmes — car il n’est pas de mal vraiment, pas d’ennemi, pas de contradictions ; il n’est que des rythmes mal accordés.

Je vous disais que je prépare un nouveau livre. Il y a encore beaucoup de travail à faire. Voici ici Simone Weil, née le 3 février 1909 et décédée le 24 août 1943. Sa vie fut bien courte, mais sa réflexion fort riche.

Voici un extrait de son Cahier III publié chez Plon en 1974. Pages 197 et suivante sur l’énergie solaire.

L’énergie solaire transforme l’eau et le carbone en sève. La sève dans le bois mort, la houille, etc., devient feu; le soleil qui s’y trouvait emprisonné (génie dans une bouteille des Mille et une Nuits) en ressort. […]

La même énergie solaire travaille dans le grain, dans la tige du blé et dans le laboureur.

Le feu solaire unit le carbone et l’hydrogène en amidon dans le grain de blé. Je mange cet amidon, je le sépare en carbone et hydrogène, et le feu libéré fait mouvoir la machine de mon corps qui prépare la terre pour l’accueil du grain de blé. C’est le blé qui laboure la terre.

« Si le grain ne meurt… » C’est dans le laboureur qu’il meurt vraiment.

L’énergie que l’homme prend à la terre, il doit la lui rendre; l’énergie qu’il lui rend, il doit la lui reprendre; oscillation perpétuelle. L’énergie rebondit entre la terre et l’homme.

Il n’est pas possible d’accepter une telle monotonie sans renonciation au moi. Mais alors elle est belle.

Chemin faisant. Chère amie, Cher ami, je prépare un nouveau livre. Voilà des années de ce projet.

Ici, il s’agit de J. M. G. Le Clézio, un essai paru chez Gallimard en 1978. J’aime beaucoup les essais de Le Clézio. Le voici ici, page 96.

C’est bien, le passage des heures, le passage des jours. C’est drôle et émouvant, cela trouble, enivre, fait frissonner. Parler du temps, compter le temps, à quoi bon ? Mais suivre le passage de la lumière, du gris au blanc, du blanc au jaune, du jaune au gris, comme cela, chaque jour, avec tant d’infinies nuances qu’il faudrait que chaque seconde ait mille secondes, et que chacune de ces mille secondes ne règne que sur une aire de quelques centimètres carrés.

C’est ce qui se passe ici, ce qui se passe. C’est ce qui vient, puis s’en va, glissant le long de son éllipse.

Le vent du matin.

L’aurore sur la mer. Le soleil qui brûle à treize heures.

Le sommeil de l’après-midi.

La brume vers le soir, l’orage à l’horizon.

La nuit noire, le froid.

Les trois étoiles de la ceinture d’Orion.

Les oiseaux passent dans le ciel. Les lézards savent l’heure.

Les bruits, les odeurs vont et viennent au-dessus des jardins clos.

La fatigue passe, comme une main qui vous couche.

C’est ce qui se passe ici, ce qui passe.

Le Bruant chanteur.

Rappel de 2023.

Grande nouvelle pour vous ! Une émission exceptionnelle, aujourd’hui même, de 14 heures à 16 heures, dans le cadre des Routes enchantées ! À CKRL, à Québec !

Avec mon camarade Clément Duhamel, nous remontons dans le passé ! Voici les personnalités. Nos deux grandes chanteuses : Isabelle Pierre et Monique Leyrac, Harry Belafonte qui vient de s’envoler et une visite chez Guy Mauffette dans ses dimanches soirs du Cabaret du soir qui penche. Madame Isabelle Pierre, toujours là à 87 ans, dit qu’elle est ravie de savoir que son répertoire est encore diffusé.

Deux heures exceptionnelles, chères vous autres, chers vous autres. À mettre à votre agenda.

Et où que vous serez, vous pourrez nous prendre.

Dans la région de Québec avec votre appareil-radio. Vous êtes ailleurs, pas de problème, gagnez alors le site internet de notre radio communautaire [http://www.ckrl.qc.ca/]. Voyez tout en haut à droite « Écoute en direct ». Et le tour est joué.

Et, où que vous soyez dans le monde, vous pouvez également être avec nous par l’intermédiaire du site Radio Garden qui offre un grand nombre de radios du monde. En voici l’adresse : https://radio.garden/listen/ckrl/4desWfxM

Nous programmerons Radio Garden pour que vous puissiez facilement accéder à CKRL, au nord-est de l’Amérique du Nord, le long du fleuve Saint-Laurent. Vous pouvez vérifier dès maintenant la mise en ligne. Montez le son de votre ordinateur, cliquez sur cette adresse de Radio Garden, et vous êtes à CKRL, à Québec.

Si jamais vous êtes retenu-e ailleurs, l’émission sera disponible en balado sur le site de CKRL, pendant quelque deux ou trois semaines.

Rappelez-vous. Il y a longtemps, on disait que le Jeudi saint, les cloches partaient pour Rome. Et elles revenaient la Samedi saint, à midi.

On les entendait un peu partout.

P.S. Le Samedi saint, c’est aujourd’hui pour les croyants. Va-t-on entendre les cloches ?