Comment venir à bout de la fumée à Montréal ?
La ville de Québec vit en ce moment un épisode de légionellose. Il s’agit d’une maladie infectieuse nouvelle, dite « du légionnaire », identifiée pour la première fois en 1976, due à une bactérie qui se développe dans les réseaux d’eau naturels ou artificiels. Elle peut proliférer, en particulier, dans les tours aéroréfrigérantes. Une maladie de ville donc, venue du confort qu’on voulait se donner dans nos grands lieux d’habitation ou de travail. Ces tours de refroidissement, non nettoyées régulièrement, peuvent semer, dans l’air, la maladie et la mort, et les premiers candidats sur la ligne de front sont les gros fumeurs âgés de plus de 60 ans, au système immunitaire affaibli.
Depuis deux semaines, la légionellose a fait plus de 181 malades dans la capitale, et treize morts. Loin de moi l’idée d’entrer dans le débat qui a cours en ce moment. Mais cela rappelle que nous continuons encore à apprendre à vivre en ville. J’aime cette déclaration du Dr Robert Lévesque, microbiologiste et professeur à l’université Laval, qui laisse entendre qu’il ne serait pas surprenant de voir d’autres infections du genre se produire à l’avenir. Le journaliste du Soleil [25 août 2012], David Rémillard, le cite : « Plus on développe des sociétés compliqués, plus on favorise des situations inconnues. On favorise la croissance de nouveaux organismes ».
Quand Québec et Montréal sont devenues officiellement des villes en 1833, nous n’avions pas, ruraux que nous étions tous ou à peu près, de petit manuel nous prévenant à l’avance des nouveaux problèmes que nous aurions à affronter. Et c’est à chercher et à l’essai qu’il a fallu nous définir une nouvelle vie. En 1900, par exemple, comment sauver nos jeunes enfants qui meurent en si grand nombre, l’été ? D’où viennent soudainement les épidémies de typhoïde, une maladie fort grave ? Comment mettre à la raison les laiteries qui refusent de pasteuriser le lait qu’elles vendent ? Arrivera-t-on un jour à convaincre les citadins qu’il faudra traiter l’eau de l’aqueduc ?
Voyez ici. Au début du 20e siècle, habiter Montréal, c’est respirer de la fumée, surtout dans l’est, là où habitent des populations de condition modeste, car les vents dominants soufflent de l’ouest. La question revient à l’occasion. Encore une fois, à l’été 1903, on fait écho au problème. Dans un article intitulé Pour faire disparaître la fumée de Montréal, le quotidien Le Canada raconte le vendredi 21 août :
À la réunion de la commission des incendies qui eut lieu hier après-midi, l’échevin Sauvageau prit sérieusement en main la question de la fumée qui empeste la moitié de Montréal. Il était décidé une fois pour toutes de mettre un terme à cet abus intolérable dont se plaignent les citoyens des quatre coins de la ville.
On se rappelle qu’il y a quelque temps les autorités de l’hôpital Notre-Dame se plaignaient sérieusement de la fumée que vomissait dans les salles des malades un établissement du voisinage, rue Bonsecours. Le propriétaire désigné fut traduit en cour du recorder [la cour municipale] et condamné à $5 d’amende et les frais. Or, comme ce dernier n’est pas assez riche pour déménager ou surélever sa cheminée et que, d’un autre côté, il lui faut bien « chauffer », l’inspecteur, M. Champagne, vient d’ordonner de nouvelles procédures contre ce petit propriétaire.
Mais, se demandant quelques échevins, pourquoi n’use-t-on pas de la même sévérité à l’égard des grosses compagnies qui empestent des quartiers entiers, du jour de l’an à la St-Sylvestre, au grand danger de la santé et au mépris de la propreté ?
Y a-t-il une loi pour le pauvre et une autre pour le riche ?
C’est la question que posa, à la réunion d’hier après-midi, l’échevin Sauvageau. Il demanda en même temps un rapport complet, couvrant les deux dernières années, sur toutes les plaintes contre la fumée ainsi que les condamnations en cour du recorder.
M. Champagne, l’inspecteur des bouilloires, répondit par une lettre qu’il n’existe pas de règlement municipal à ce sujet, et il suggère comme mode d’amélioration la nécessité d’une clause, dans chaque permis accordé par la Ville, obligeant les contracteurs de se munir de fumivores ou de tous autres moyens propres à empêcher la fumée.
La commission décida de nommer une sous-commission, composée des échevins Dagenais, Bumbray et Walsh, chargée d’étudier la question et de faire rapport à la prochaine séance.
On trouvera l’illustration parue dans La Presse du 17 juillet 1909 à l’adresse : http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/massic/accueil.htm, sous la rubrique « Merchants Cotton Company »
Et puis? La commission a-t-elle fait changer les choses? Je suis toujours amusée par vos retours « actuels » dans l’actualité d’autrefois.
Malheureusement, dans le dépouillement de mes journaux, je ne connais pas encore la suite de l’histoire. Voyons voir. Mais j’ai remarqué que, souvent, il n’y a pas nécessairement de suite dans la presse, au point où il faut se demander alors si ce silence n’est pas un enterrement de première classe.