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Verra-t-on revenir la crinoline ?

Au printemps de 1905, il est vaguement question du retour de la crinoline au Québec, ce sous-vêtement féminin si populaire au 19e siècle. Un lecteur de La Patrie, qui signe Fred. Pelletier, s’écrie immédiatement Vive la crinoline.

On me dit, Mesdames, que vous allez reprendre la crinoline, que, semblables à vos grand’mères, vous déambulerez dans des cloches de fer et d’étoffes ?

Eh bien, vrai de vrai, vous me ferez plaisir, car j’adore cette chose énorme et retonde qui vous éloignera des promiscuités. Vous ne serez plus les victimes de l’horrible et anglais shake-hands, à peine si, dans la profondeur d’un salut, nous oserons effleurer des lèvres le bout de vos gants, et vous aurez ramené, entre autres belles choses, le tant gracieux baise-main, le geste charmant d’une main qui se tend mais ne se livre pas, d’une lèvre qui respecte et ne froisse pas.

C’est très joli, savez-vous, Mesdames, la crinoline sur laquelle se drape un cachemire soyeux que vos maris auront eu tant de plaisir à payer. Elle a, cette mignonne crinoline, des gestes qui en disent plus long que le plus long discours. Elle attire, mais pas trop, elle éloigne, et juste assez. Elle est discrète, mais quand il ne vente pas, elle les cache les défauts et admet la bourrure.

Mais avez-vous réfléchi, Mesdames, aux perturbations que vous allez amener dans l’ordre des choses, ce dieu de nos Joseph Prudhomme [personnage caricatural du bourgeois] ? Ou bien, tel Napoléon qui ne reconnaissait pas comme français le mot impossible, avez-vous voulu forcer les choses à s’adapter à la crinoline ?

Ce serait en vérité une victoire que certaine voisine ne manquera pas d’accorder à ses propres campagnes.

Les conducteurs des tramways ne pourraient plus encombrer leurs voitures. Que dis-je ? À l’une de vous, vous encombrerez bien la voiture toute seule. Sera-ce dommage ? Hum… nous autres hommes, trouverons bien un petit trou à vos côtés. C’est bien alors que nous aurons l’idéal tête-à-tête, nous serons deux, vous, la charmeresse, nous, le passager.

Sur le trottoir, que nos pères conscrits auront élargi et qu’ils balaieront tous les jours, il ne pourra plus y avoir de ces rassemblements que la police de tous les pays adore dissiper par des « circulez » et des « move on » énergiques.

En hiver, l’édilité, qu’élisent vos maris, enlèvera toute la neige pour que vous puissiez passer, sans risquer de faire tourner la cloche, et, qui sait, mettra peut-être sous terre des calorifères pour empêcher que le froid ne s’engouffre dans vos falbalas.

N’est-ce pas, Mesdames, que vous allez reprendre la crinoline ?

 

Source de l’illustration : la page Wikipédia sur la crinoline.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Françoise Bourgault #

    Ah la belle crinoline qui faisait la taille fine et les fesses rebondies ! Même plus tard,dans les années 40, dans les pages féminines de la Terre de Chez nous, on pouvait acheter des patrons pour confectionner ces belles robes très cintrées du buste et à la jupe gonflée et virevoltante. La crinoline avait alors une dimension plus discrète et moins encombrante.

    Les femmes de gabarit élancé avait un avantage indéniable dans ce genre de robe et tant pis pour les enrobées que le modèle transformait en saucisses joufflues ! Aujourd’hui, nous sommes passées à l’autre extrême. La mode met toujours en vedette les corps longilignes mais cette fois dans des vêtements près du corps qui sculpte la silhouette n’épargnant aucun petit rebond disgracieux.

    À quand remonte l’époque où les corps féminins pulpeux avaient la cote ? Où un peu de gras sur les os affichait la prospérité ? Où un léger embonpoint vous garantissait de trouver un mari puisqu’on supposait que la future saurait cuisiner ?

    8 juin 2012
  2. Jean Provencher #

    Au début du 20e siècle, chère Françoise, beaucoup de peintres continuent de nous offrir des femmes absolument magnifiques [je pense à Auguste Renoir, mais ils sont nombreux], aux corps pulpeux, comme vous dites, généreuses à croquer, belles comme des péchés, à regretter de ne pas les avoir connues.

    Les longilignes viendront plus tard.

    8 juin 2012

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