Un tableau pour le prochain livre de Louis Fréchette
Depuis 1859, à Montréal, les amants d’œuvres d’art fréquentent la galerie Scott & Sons, au 99, rue Notre-Dame. C’est là qu’expose, par exemple, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté et William Scott est son agent au Canada. Au printemps de 1901, la galerie est fière de proposer au public un tableau qui servira d’illustration pour le prochain livre de Louis Fréchette sur Joe Violon.
Le journal La Patrie raconte le 27 avril 1901 :
MM. Scott & Sons, graveurs de la rue Notre-Dame, exposent depuis quelques jours un tableau qui ferait honneur aux peintres qui jouissent d’une grande réputation. Ce tableau est signé par le jeune artiste canadien Coburn, qui est en train d’acquérir de la renommée.
Comme il a déjà été annoncé, notre poète national, M. Louis Fréchette, met la dernière main à une œuvre superbe intitulée : «The Iron Skeleton» (Le Squelette de Fer). Le poète raconte avec la verve et l’entrain qu’on lui connaît les aventures drolatiques du fameux «Joe Violon», un type, celui-là !
L’artiste Coburn a été chargé de l’illustration. Le tableau exposé chez MM. Scott & Sons représente peut-être la scène la plus humoristique de «The Iron Skeleton». Voici ce dont il s’agit en deux mots :
Le boss du chantier où était employé Joe Violon est un Irlandais. Un jour, ce dernier envoie maître Joe en excursion avec dix-huit hommes, en lui recommandant de les compter avec soin de temps à autre, pour s’assurer que personne ne manque à l’appel. Joe Violon part joyeux, à la tête de la bande.
Trois canots sont à la disposition des gais lurons. Avant d’embarquer, Joe, se rappelant la promesse faite au boss, veut compter les membres de l’expédition.
« Pas besoin, dit l’un d’eux, chaque canot contient juste six hommes, et notre flottille se compose de trois. Trois fois six font dix-huit, pas plus malin que ça. »
C’est vrai, dit Joe, maintenant en route. Lorsque les canots touchèrent terre, Joe Violon conta. Mais il ne retrouva que dix-sept hommes. Personne cependant ne s’était éloigné, il en avait la conviction. Joe oubliait de se compter !
Ce qui turlupinait ce drôle, c’est que chaque fois que les hommes embarquaient dans les canots, ceux-ci qui contenaient dix-huit personnes étaient remplis ! Joe finit par croire au sortilège. Notre vignette représente Joe Violon au retour de l’expédition en conférence avec le boss irlandais.
— Pour moi, dit-il, c’est du sortilège. De temps en temps, nous étions dix-sept et, de temps en temps, nous étions dix-huit !
On peut voir la mine du boss !