On l’a surnommée « L’héroïne des prairies »
Le billet vient de Saint-Louis, Missouri.
Le Globe Democrat, de St-Louis, à propos de la disparition complète, aujourd’hui, des aventurières qui s’étaient acquises une notoriété souvent peu enviable, dans les vastes prairies de l’Ouest, rappelle l’intéressante et dramatique histoire d’une jeune femme connue seulement sous le prénom de Belle ; mais dont le souvenir ne s’est pas encore effacé dans la région comprise entre les montagnes Rocheuses et le Missouri.
Personne ne savait d’abord d’où elle venait. Elle apparut seule un jour dans le Kansas central au milieu d’une petite colonie, où se faisaient, sur une grande échelle, les expéditions de bétail pour l’Est. Belle devint aussitôt célèbre dans la région.
Elle portait un vêtement en peau de bouc, et de gros diamants étincelaient à ses oreilles. Sa magnifique chevelure noire, sa beauté sévère et sa taille élégante lui attirèrent de nombreux admirateurs ; mais elle tenait les hommes à l’écart et savait se faire respecter. Un seul avait sa confiance, le propriétaire de l’hôtel dans lequel elle était descendue.
Après de longs entretiens avec lui, on l’a vue, avec stupéfaction, visiter en compagnie de l’hôtelier tous les débits de boisson, tous les bouges les plus dangereux, fréquentés par les cowboys, sans paraître faire attention aux scènes odieuses qui se déroulaient souvent devant elle, mais regardant toujours bien en face, l’un après l’autre, les clients de ces établissements comme si elle était à la recherche de quelqu’un. Le bruit se répandit alors qu’elle cherchait un amoureux volage et qu’elle ne pouvait pas le trouver.
Lorsque de sanglantes querelles s’élevaient dans les cabarets que la jeune femme visitait, jamais on ne le vit faiblir quel que fût le nombre des coups de revolvers que l’on tirât. Quand de grands troupeaux de bétail devaient arriver des prairies, elle allait à cheval à leur rencontre, un lasso pendu à son côté. Finalement elle découvrit ce qu’elle cherchait.
Des courriers venant du Texas avaient annoncé la prochaine arrivée d’un troupeau comprenant un nombre extraordinaire de bestiaux. Belle partit à cheval à sa rencontre, et se postant sur une éminence, elle regardait défiler devant elle une interminable colonne de bœufs, dévisageant soigneusement chaque cowboy au large chapeau chevauchant à côté des animaux.
Tout à coup, le visage de la jeune femme s’est illuminé ; on eût dit que ses yeux lançaient des éclairs, et elle s’est avancée vers un des cowboys. « Comment, vous ici, Belle ? s’est écrié le bouvier en pâlissant. — Certainement, a répliqué Belle, et je viens me venger. » Et, en même temps, tirant un revolver de son corsage, la jeune femme tuait son interlocuteur.
Belle ne fut pas inquiétée. On ne lui demanda même pas d’explications. Mais, quelques jours plus tard, avant de repartir vers l’Est, elle raconta que le cowboy avait tué son frère et qu’elle avait tenu à venger elle-même le meurtre.
La Patrie (Montréal), 12 avril 1892.
La photographie de Belle provient de ce site internet.
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