Hé, le mardi gras !
Bien oui, aujourd’hui même, c’est le mardi gras. Ne me dites pas que vous l’avez oublié ! Je vois que vous ne fréquentez plus l’Église alors. Quelle fête ce fut !
En 1900, voilà le grand jour de l’enterrement du carnaval commencé le 7 janvier, lendemain des Rois. À la campagne comme à la ville, on va par les chemins et les rues, courant le mardi gras, déguisé, habillé, dit-on, en Mardi-Gras.
Dans les journaux, les mentions fourmillent au sujet de cette grande fête. En voici une belle, extraite du journal Le Soleil, à Québec, le 23 février 1909. Voyez, même les chevaux sont déguisés. Le bonheur !
Suivant une antique tradition, il était de coutume, chez les gens du peuple, de fêter joyeusement, par une mascarade, le dernier jour gras précédant le temps du recueillement, le Carême. Nos grands-pères nous parlent encore de ce temps déjà si loin, où il était strictement interdit, à tout catholique, de faire une seul repas gras pendant les quarante jours du carême.
Malgré que ce temps de pénitence ne nous oblige plus à des privations aussi rigoureuses, cette coutume de célébrer ce jour mémorable semble vouloir se continuer de nos jours. En effet, à peine le soleil s’est-il caché à l’occident que déjà on peut voir défiler par les rues un grand nombre de gens déguisés, appelés communément « Mardi-gras ».
Grands et petits, tous se livrent sans malice à des extravagances inoffensives, histoire de terminer drôlement le dernier jour du carnaval. Quelque peu agaçants, ils prennent, sous le couvert du masque grimaçant ou souriant, d’innocentes libertés à l’égard des passants qui ne se froissent nullement de ces familières plaisanteries. C’est pourquoi les autorités policières tolèrent la sortie de ces gens travestis qui ne commettent ordinairement aucun abus.
Tous ces « Mardi-gras » sont revêtus d’accoutrements les plus divers. Les uns portent de riches costumes de monarques, de princes, de marquis, de comtes, de chevaliers, de courtisans et de gentilshommes, qui leur donnent une apparence des plus noble. D’autres, plus drôles, sont affublés de vêtements grotesques et des plus bizarres, et tous font en chantant les visites traditionnelles chez les parents et amis où ils sont les bienvenus.
Il y en a même qui poussent la comédie jusqu’à se promener en voitures traînées par des chevaux qui portent fièrement chapeaux de castor, d’énormes collets avec cravates et grands pantalons de couleurs voyantes qui leur donnent l’aspect le plus burlesque. Inutile de dire que tous ces joyeux « Mardi-gras » si drôlement attifés provoquent l’hilarité des piétons qui s’attardent à les regarder passer.
Dans un grand nombre de nos familles, il y a ce soir-là réunion de parents et d’amis. L’on s’amuse fort gaiement, en causant avec entrain, sur les joyeuses démonstrations occasionnées par la fête du jour, tout en conservant l’espoir qu’il nous arrivera sûrement quelques invités déguisés, qui nous apporteront de nouvelles joies.
L’attente n’a pas été vaine, puisque soudain des « Mardi-gras » des mieux disposés à s’amuser font leur apparition. Les joyeux compères prennent alors la salle d’assaut, en chantant d’un commun accord, avec accompagnement de musique :
— Ah, le beau mardi
— Il n’y a personne aujourd’hui
— Qui ne se voisine pas
— Ah, le beau « mardi-gras ».
C’est le signal de la réjouissance générale, de francs éclats de rire, et les exclamations joyeuses retentissent alors de toutes parts. La variété des costumes aux différentes couleurs ajoute à la scène bouffonne un air de gaieté. En un instant, les danseurs tourbillonnent au milieu de la salle au son d’une musique fausse, jusqu’à ce qu’enfin épuisé de fatigue on met bas les masques pour continuer à se récréer moins bruyamment, mais aussi franchement, par du chant et des propos amusants. Et ce n’est qu’à minuit que se termine une si agréable soirée, alors qu’on se sépare avec la certitude que le Mardi-gras restera bien enfoui sous l’oubli des plaisirs frivoles.
À Louiseville, on y va d’une soirée fort animée à l’hôtel Windsor. La Patrie la raconte le 24 février 1899.
L’hôtel Windsor ouvrait ses salons dans la soirée du mardi gras à l’élite de la jeunesse de Louiseville et des localités avoisinantes. Si jamais carnaval fut joyeusement enterré, ce fut dans cette circonstance. Les gracieux minois des jeunes filles, l’empressement de leurs admirateurs, la musique entraînante, le tourbillon de la danse, les mets exquis et savoureux du réveillon, tout a fait de cette soirée un événement qui défraiera longtemps les conversations intimes des jolies citadines qui y prenaient part.
La plus franche gaieté n’a cessé de régner parmi les nombreux invités, mais vers onze heures, l’entrain redoubla. Aux premiers accords de musique, ce fut un chassé-croisé de sémillantes danseuses, d’empressés danseurs. Les gens les plus sérieux groupés dans le salon voisin faisaient un whist ou prenaient part à une partie de euchre. Les heures s’envolèrent vite et le moment de se dire au revoir fut bientôt arrivé, trop tôt au gré des invités.
L’illustration montre un groupe de mardi-gras en visite chez Jos Parent, mon arrière-grand-père maternel, à Saint-Raymond de Portneuf, patrie de ma mère Claire. Jos est cet homme à bretelles à l’avant. Belle pièce d’archives. Je ne comprends pas que nos grands photographes, à Québec, n’aient pas eu le réflexe alors de s’attarder à photographier de pareilles manifestations populaires, nous obligeant à nous rabattre aujourd’hui sur des images de moindre qualité. C’est dommage. Hommage à ces photographes anonymes d’alors qui nous permettent aujourd’hui de témoigner !
Je note que le Quotidien de Lévis du 1er mars 1895 écrit: Partout on a fait revivre la vieille coutume d’enterrer gaiment le Mardi-Gras, surtout à la campagne. Un correspondant nous écrit qu’à Saint-Raymond la fête a été générale. On s’est amusé honnêtement, comme les anciens savaient s’amuser.
Encore une fête!
Une photo bien émouvante. Un bande d hommes en vadrouille et, si on tend l oreille, on croit presque entendre les rires et les blagues fuser. Chaque personnage a de l attitude – rien de figé comme souvent dans ces photos studio même si on y perd au niveau de la qualité d image comme vous le notez.
Plus d un siècle plus tard , ces gens depuis longtemps partis – une bulle d atmosphere d un mardi gras animé remonte à la surface – et nous voila à sourire avec eux. Ca m impressionnera toujours ces sauts dans le temps.
C est un autre sujet, mais j envie les futures gémérations(sss) qui auront accès à tant-tant de photos de personnages historiques et familiaux . Chacun devrait commencer à penser à un archivage sérieux pour sa postérité. Un arbre ‘ chonographique ‘ ?
Encore une fois la semaine dernière Madeleine Juneau a su nous réjouir à la Maison Saint-Gabriel avec un « Mardi Gras » . Que du bonheur à cette soirée endiablée : conteurs d’histoires à dormir debout, chanteurs et musiciens qui nous ont fait revivre une tradition pleine de sens, disparue avec le Carême et mal remplacée par l’Halloween.
Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre, entre autres, à ce Mardi Gras l’une des chansons de ma grand-mère. Jadis, comme on aimait se réunir aux veillées pour conter, rire, danser et chanter!
Une question pour vous, Jean. Une amie française demande si on servait des plats particuliers au Mardi Gras.
Dans les nombreuses mentions que j’ai trouvées, on ne parle à peu près jamais d’un repas. Peut-être qu’il s’est servi des goûters, mais guère plus, je crois. Donc je n’ai pas repéré de plat particulier.