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« Le monde va de mieux en mieux à plusieurs points de vue » (premier de deux billets)

Vous n’êtes pas sans savoir que l’heure est à la déprime. Nous ne cessons de répéter que tout va mal.

Rencontre avec le professeur de psychologie de Harvard né à Montréal, Steven Pinker. Le journaliste du quotidien français Le Monde, Marc-Olivier Bhérer, lui demande :

[Extraits]

Vous tentez par votre travail de restaurer une forme d’équilibre dans notre façon de voir le monde. Chiffres à l’appui, vous expliquez qu’il se porte mieux qu’on ne le pense. Malgré tout, vous croyez que le pessimisme fait consensus…

Le monde va de mieux en mieux à plusieurs points de vue. Les principaux indicateurs dont nous disposons vont dans ce sens. À l’échelle de la planète, l’espérance de vie moyenne est passée en un peu plus d’un siècle de 30 ans à 71 ans. Dans les pays développés , elle dépasse les 80 ans. Les pires maladies infectieuses, tels la malaria, la pneumonie, la diarrhée, le sida, tuent de moins en  moins de gens et sont en déclin. Le monde devient en outre plus prospère, le taux d’extrême pauvreté a chuté de 75% au cours des trente dernières années et il n’y a maintenant plus que 10% de la population mondiale qui est concernée.

Savoir lire et écrire était auparavant un privilège accessible aux plus fortunés, maintenant 90% des moins  de 20 ans sont alphabétisés. Les guerres sont également moins fréquentes et moins létales. Les famines sont plus rares. Tout cela ne signifie pas que le monde est parfait, qu’il n’y a plus rien à améliorer. Néanmoins, presque partout sur la planète, et particulièrement en France, on continue de croire que l’état du monde se dégrade, alors même que le progrès existe de façon tangible.

D’où vient alors cette idée que tout va mal ?

La presse est en partie responsable. Les journalistes ont tendance à s’intéresser davantage aux calamités qu’à ce qui réussit. Cela s’explique par le fait que les désastres se produisent rapidement — pensons à l’effondrement d’un immeuble, à un tsunami, à une attaque terroriste —, alors que le progrès se déploie de façon graduelle. Comme le dit l’économiste britannique Max Roser, les journaux auraient pu titrer en « une » « 137 000 personnes ont échappé hier à l’extrême pauvreté » chaque jour des trente dernières années, mais ils ne l’ont jamais fait, car le recul de la pauvreté est un phénomène au long cours, et non soudain.

Cette tendance à couvrir davantage les événements plus spectaculaires n’est pas le seul problème. La presse, qu’elle soit de droite ou de gauche, a une vision dystopique de la société : elle régresse, elle est un puits sans fond d’inégalités, de racisme, de terrorisme, de violence, de chômage.

Cela s’explique par le fait que, au sein des rédactions, on a souvent tendance à croire que, pour pratiquer un journalisme sérieux, il faut s’intéresser à ce qui va mal. Les journalistes estiment que les bonnes nouvelles, les articles positifs relèvent du publireportage, de la propagande, du divertissement. Penser une telle chose est ridicule. Car la presse doit relayer l’ensemble des informations, positives ou négatives. Bien évidemment, les journalistes ne doivent pas peindre le monde en rose, mais ils ne doivent pas non plus l’assombrir. […]

 

Marc-Olivier Bhérer, « Steven Pinker : Le progrès existe, il est tangible », Paris, Le Monde, 1er et 2 janvier 2019.

Demain : la suite de cet entretien.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Mariette Provencher #

    Merci à ce monsieur Pinker de remettre les pendules à l’heure. Il est réconfortant de se rappeler que les personnages sans valeurs qu’on choisit pour nous gouverner n’arrivent pas à freiner complètement notre évolution vers des temps meilleurs.

    12 janvier 2019
  2. Jean Provencher #

    C’st bien vrai. Et il nous donne plein d’exemples de situation où ça va vraiment mieux que ça allait. Je suis content, car il y a de plus en plus d’observateurs qui en arrivent aux mêmes conclusions que lui. Il est temps de prendre la parole pour le dire.

    12 janvier 2019

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