La bécasse capable de se soigner
Témoignage d’un zoologiste suisse à ce sujet.
Un naturaliste genevois, M. Victor Fatio, vient de signaler un exemple intéressant de l’intelligence des animaux. La bécasse ne serait pas si bécasse qu’on veut bien le dire, d’après les faits suivants.
En effet, M. Fatio, en chassant, a eu l’occasion d’observer à plusieurs reprises que cet oiseau, s’il est blessé, pratique sur lui-même avec son bec et au moyen de ses plumes, des pansements fort ingénieux ; il s’applique un emplâtre sur une plaie saignante ou il opère adroitement une solide ligature autour d’un de ses membres brisé.
M. Fatio tua un jour une bécasse qui, sur une ancienne blessure à la poitrine, portait une large emplâtre feutrée de petite plumes duveteuses arrachées à différentes parties de son corps et solidement fixées sur la plaie par du sang desséché. Une autre fois, c’était sur le croupion blessé que l’emplâtre fabriquée de la même manière se trouvait posée.
Deux fois, M. Fatio a trouvé des bécasses qui portaient à l’une des jambes une ligature de plumes serrées et entortillées autour de l’endroit où l’on avait été fracturé. Chez l’une, le membre droit au-dessus du tarse était fortement, mais fraîchement bandé de plumes provenant du ventre et du dos. Chez l’autre, le tarse lui-même, en bonne voie de guérison, portait encore la bande qui l’avait maintenu en position.
L’homme en pareille occurrence s’y prendrait-il mieux que la bécasse ? Il y a là un signe manifeste de véritable intelligence, qui valait la peine d’être enregistré. Pas si bêtes que l’on croit les petites bêtes !
Le Canadien (Québec), 7 août 1888.
Dans l’atlas Les oiseaux nicheurs du Québec (1995), sous la direction de Jean Gauthier et Yves Aubry, les auteurs du texte sur la Bécasse d’Amérique, Diane Dauphin et Pierre Dupuis, ne mentionnent pas de pareils comportements chez cet oiseau d’ici.
À noter que l’auteur de cet article non signé utilise autant le mot emplâtre au masculin et au féminin, ce qui est permis par la langue française selon l’usage qu’on en fait.