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Revoilà encore une fois tous les problèmes du déménagement

Il faut d’abord savoir qu’aussi tard qu’en 1972, les déménagements au Québec ont lieu au tout début du mois de mai. Or, les gens des villes, surtout, convaincus qu’ils trouveront mieux, aiment tant déménager. Et, chaque année, les journaux ne manquent pas de discourir à ce sujet.

Le déménagement ! Perspective angoissante pour ceux qui ont des meubles et n’ont pas de maison.

La question de trouver la future résidence a déjà été comme un avant-goût de tout l’embêtement auquel se condamne le malheureux qui déménage.

Pendant des semaines, la femme a parcouru tout un  quartier, d’affiche en affiche, inspectant l’intérieur des domiciles, sous le regard ennuyé de la maîtresse du lieu.

Quand elle a finalement jeté son dévolu sur un local toujours moins confortable que l’ancien, il lui reste l’ennui de penser qu’elle aurait pu, en se hâtant moins, faire un meilleur choix, et d’entendre son mari lui répéter tous les soirs, au dîner, que ce n’était pas la peine de déménager pour payer aussi cher de location.

Deux semaines avant le premier mai, on  commence déjà à enlever les tapis et à empaqueter tous les bibelots.

Dans l’intervalle, les occupants de la maison ne respireront que de la poussière et se heurteront à tous les meubles déplacés.

Cependant l’homme a d’avance conclu ses arrangements avec un  charretier qui lui a promis de lui faire son déménagement à tel jour et à telle heure, pour tel prix.

Mais c’est par exception que la promesse sera tenue et cette sage précaution n’aura servi, en causant à son auteur une dangereuse quiétude, qu’à le mettre à la merci des entrepreneurs de déménagement auxquels il devra s’adresser à la dernière minute et on sait comme leur commerce est redoutable.

Le jour fatal se lève enfin. Pour l’heure, on ne peut la prévoir. Il faut prendre le charretier quand il daigne apparaître, à dix heures du soir comme à dix heures du matin. Surtout, ne le brusquez pas. Il est énervé et vous briserait « accidentellement » le morceau même que vous lui aurez recommandé.

On entasse les meubles les uns sur les autres, sans souci des angles qui se brisent et des surfaces qui s’éraflent. La seule préoccupation est d’évacuer la place au plus vite, car, d’un instant à l’autre, les nouveaux locataires peuvent survenir avec leur propre bagage et il en résulterait une confusion à rendre tout le monde fou.

Un voyage, puis un autre voyage, quelquefois un troisième, et tout est enfin transporté dans la nouvelle maison. Ce n’est pas une mince besogne maintenant que de reconstituer un aménagement — même temporaire — avec toutes ces pièces d’ameublement qui gisent çà et là, désassorties. Si la tête d’une couchette est dans le salon, vous êtes sûr que le pied correspondant sera dans la salle à manger, et vous pouvez chercher les roulettes à la cuisine, dans un tas quelconque de petits objets.

On place tant bien que mal les principaux meubles, puis on se hâte de dresser les lits dans lesquels les enfants se jettent exténués, et où les parents n’iront les rejoindre que très tard, après avoir épuisé jusqu’au dernier souffle, ce qu’ils appellent leur « coup de cœur ».

Quand ils se décident enfin à prendre le repos si bien mérité, ils ne manqueront pas de se jurer une dernière fois, en s’endormant, que jamais plus on ne les reprendra à déménager.

Faudra les voir l’an prochain.

 

La Patrie (Montréal), 27 avril 1907. L’image apparaît à la une de cette édition du quotidien montréalais.

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