Viendra-t-elle enfin à Montréal ?
La nature se livre à tout un jeu, dirait-on.
La débâcle bat son plein dans toute cette partie du port comprise entre les jetées Edouard VII et Tarte.
La glace de la baie de Laprairie, qui s’est mise en mouvement, hier, est venue s’entasser sur la batture de l’île Sainte-Hélène, et a causé une grande perturbation dans les glaces qui y étaient déjà amoncelées. Une nouvelle mare s’est formée en plein chenal, vis-à-vis l’île Ronde, et de gros morceaux de glace, poussés par d’autres morceaux plus lourds, s’y précipitent d’une hauteur de dix à quinze pieds.
La traverse de Longueuil s’est brisée, ce matin, vers le milieu du fleuve et la glace est descendue d’environ trois cents pieds, laissant derrière elle une nappe d’eau qui a vite été remplie d’immenses blocs de glace détachés du barrage en face du parc Bellerive.
Le pont de glace se brise beaucoup à Maisonneuve, de même qu’à la Longue-Pointe. Il se forme des mares d’eau un peu partout, mais la débâcle n’est pas encore arrivée.
Dans les cercles maritimes, on est d’opinion que le port ne sera pas complètement libre de glace avant dimanche, et peut-être même lundi prochain. Chose étonnante, le pont de glace est encore solide et tout-à-fait intact dans les bassins des jetées Edouard VII et Alexandra.
Les remorqueurs et les dragues sont emprisonnés comme au milieu de l’hiver, et il pourrait bien s’écouler trois ou quatre jours avant qu’ils puissent se mouvoir à l’aise dans le port.
La matinée d’aujourd’hui n’a pas favorisé les progrès de la débâcle. La température froide et l’absence du soleil ont empêché la désagrégation de continuer son œuvre. De plus, le niveau du fleuve a trop baissé. […]
On croit que l’eau va monter beaucoup cet après-midi. S’il en est ainsi, on peut s’attendre à un bon mouvement de la glace durant la soirée.
La Patrie (Montréal), 19 avril 1907.
