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Les mots magnifiques d’un écrivain hongrois

Au Québec, on ne connaît guère la littérature hongroise. Mais il faut savoir que la Hongrie, cette république d’Europe centrale, a produit de bien belles plumes.

Revenons un instant à Gyula Krûdy (1878-1933), que l’on dit être  « l’un des plus importants écrivains de la littérature hongroise moderne ». Déjà, on s’y arrêtait le 24 mars dernier.

Retrouvons ce livre, un ouvrage de nouvelles qui a pour thème l’amour.

Voici quelques nouveaux passages, à ce point bien écrits que nous pouvons les apprécier sans même connaître l’histoire de la nouvelle où ils sont puisés.

 Quand elle eut fini de lire, elle se leva et effleura mes joues de ses lèvres, et il n’est rien de plus délicat et noble dans tout Séville.

Sa voix était douce, comme le bruit du mûrier dont les branches heurtent le balcon dans le vent d’automne.

Sur le balcon de la maison des Anjou se trouvait une petite hirondelle, une hirondelle à la queue fourchue qui n’avait pas pu s’envoler avec les autres en automne, Elle se laissa prendre par les ailes. Rosalie lui fit construire une petite maison, lui cousit un pantalon rouge et une coiffe verte, Et l’hirondelle écouta patiemment tout ce que Rosalie avait à dire. Désormais, les heures sonnaient moins fort à Buda. Rosalie ne les entendait pas. L’hirondelle chantait à ces instants-là.

Et puis, dans la nouvelle « Un merle blanc sur la tour », l’amoureux, un musicien ambulant, porte le nom d’Idem.

L’hiver approchait déjà, un épais manteau de neige recouvrait les routes, comme les larmes du souvenir recouvrent les fleurs sur les tombes, les branches des arbres pendaient comme des cheveux emportés par le vent. Idem cherchait un abri pour la nuit près du carrefour, au pied de la chapelle. Il serrait son violon contre son menton et tâchait d’adoucir la rigueur du soir.

Maintenant, elle se dit que l’amour est tout — que sans amour, la vie ne vaut rien. Pleurer, aimer, penser fort à quelqu’un, l’attirer avec son cœur comme un aimant et s’embrasser pendant des heures. Se promener dans le jardin, écouter des chants au loin et, de bonheur, compter des feuilles du tilleul… S’enivrer d’étreintes et ne jamais retrouver la raison ! Donner des noms aux objets inertes. Baptiser les aiguilles à tricoter et nommer M. Stölcze l’armoire à linge. Et avoir des mains, des cheveux, un cou et une haleine qui sentent bon.

— Reviens, Idem, dit-elle, j’aimerais encore que tu me dises le parfum des rêves du matin. — Ils sentent le muguet, répondit-il en montant dans le traîneau. Les rêves du matin ont le parfum des muguets qui poussent dans les jardins des reines de Pologne, une cloche d’or sonne la messe, et du haut des remparts, on voit des rivières bleues, un  merle blanc s’est posé au sommet de la tour et il fait choir ses plumes d’argent. La veuve resta pensive. — C’est étrange, personne ne m’a jamais dit cela.

 

Gyula Krûdy, Les beaux jours de la rue de la Main-d’Or, traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba,Paris, Éditions In Fine, 1997, p. 18, 45, 52s., 170s.

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