Au début du 20e siècle, l’évêque de Montréal déplore ce qu’est devenue la première communion
À l’occasion, lire la presse québécoise de 1880 à 1910 permet de voir clairement que nous venons de bien loin. Ici, l’évêque de Montréal cherche à faire revenir aux temps anciens pour la première communion, qui se donne à l’âge de 12 ou 13 ans. Il dénonce les manières de célébrer cet événement, qui tient sans doute d’un rite de passage à l’adolescence pour les catholiques québécois.
Pour cet événement si important au point de vue spirituel, Monseigneur [Bruchési] déplore la vanité de certains parents tendant à détourner le jeune communiant des sentiments de piété qui devraient seuls préoccuper sa pensée, en l’attirant vers des distractions mondaines.
« Le jeune communiant, dit Mgr l’Archevêque, doit être vêtu simplement. Dans certaines paroisses où j’ai eu l’occasion d’administrer la confirmation, il s’est présenté des enfants auxquels j’étais tenté de refuser le sacrement, parce qu’ils n’étaient pas vêtues convenablement. Voici la saison où vont revenir certaines modes, celle par exemple des robes sans manches.
« Ces robes sont inconvenantes. De grâce, n’assujettissez pas l’enfant qui va faire sa première communion à suivre ce que l’on appelle la mode.
« Il y a aussi les cadeaux de première communion. C’est devenu une mode à laquelle on ne peut plus échapper. Et, plusieurs jours avant l’événement, on s’emploie à courir les magasins, les boutiques de bijouteries, en quête de cadeau.
« On demande même à l’enfant quels sont ses goûts, ses désirs. Et les cadeaux affluent chez le jeune communiant ; c’est à qui donnerait le plus beau cadeau de cinq, dix, vingt dollars, montres, bracelets, colliers de pierres précieuses. On ne ferait pas autrement pour une fiancée.
« Puis, comme pour une fiancée également, on expose les cadeaux, on en garnit le piano, la table du salon. Les visiteurs les examinent, les comparent, et lisent sur chacun la carte de Monsieur, Madame ou Mademoiselle. Les parents sont réjouis. La mère compte les présents ou en suppute le prix et s’écrie : Ma fille a reçu trente cadeaux ! ou Ma fille a reçu $150 de cadeaux.
« C’est un scandale !
« Autrefois, — je parle à ceux qui sont de mon âge — les choses se passaient autrement. J’ai reçu, moi aussi, un cadeau de première communion. C’est un crucifix que je conserve encore et qui m’est bien cher. Il avait coûté quarante sous.
« Pourquoi éveiller en l’enfant dont l’âme est toute à la piété des idées frivoles et mondaines !
« Le cadeau qui convient à l’enfant qui vient de communier pour la première fois, c’est un livre de prières, c’est une image pieuse, et non pas des bijoux, et je voudrais que mes paroles fussent entendues dans tout le diocèse et missent fin à cette mode tyrannique et déplorable. »
La Patrie (Montréal), 8 avril 1907.