Pourquoi pas une sortie au Bennett, à Montréal ?
Vous serez bien étonné. Et ça vous changera de vos vies habituelles.
Il y a des gens pas superstitieux du tout et qui ne voudraient croire pour rien au monde aux manifestations surnaturelles, mais qui pourtant n’osent traverser un cimetière la nuit. De même on sait qu’une femme ne peut jamais entendre parler de souris dans monter sur une chaise.
Cette faiblesse nerveuse générale rend remarquable la maîtrise de certaines personnes, oh ! très rares, sur leur système. On en voit un exemple frappant, extraordinaire, cette semaine, au théâtre Bennett. La personne qui possède ce pouvoir merveilleux d’endurer n’importe quelle souffrance et de prendre n’importe quelle position, a été dénommée par les Américains — la « Motogirl ».
Aux mains de son entraîneur, elle paraît une poupée, tant elle est insensible. Après lui avoir tiré des étincelles de la tête, il donne à sa figure plusieurs poses dignes d’une poupée électrique. Puis, avec des bruits de mouvements d’horloge, elle se meut les pieds et les bras et les mains absolument comme une poupée. L’entraîneur la descend dans l’orchestre, à deux pas des spectateurs. Pas un muscle ne tressaille, les yeux sont fixes ; toute la salle n’y voit qu’une poupée très bien faite.
C’est alors que la « Motogirl » est ramenée sur la scène. Ses nerfs se détendent ; elle sourit, s’incline, salue d’une voix douce et se sauve comme une ressuscitée.
C’est un cas extraordinaire de catalepsie volontaire. La « Motogirl » s’appelle Mlle Doris Chertny ; elle est âgée de vingt ans à peine.
Sa promenade dans la salle dans son état cataleptique a donné lieu à maints incidents. On l’examine avec soin. Deux jeunes gens voulurent un jour l’embrasser — elle est jolie. Dans l’Inde, elle a déconcerté les fakirs et autres maîtres passés dans les arts hypnotiques.
Ce pouvoir d’insensibilité chez un être humain est à voir. Des milliers de personnes se rendent au Bennett pour ce numéro.
La Patrie (Montréal), 27 février 1908.