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Quels sont les arbres que la foudre aime le mieux frapper ?

Un quotidien montréalais pose la question.

Le météorologiste belge Vanderlinden y répond.

De tout temps, la persuasion a existé que certaines espèces végétales étaient épargnées par la foudre. Sénèque, Pline et Plutarque nous apprennent que le laurier, symbole de victoire, n’est jamais foudroyé ; aussi, lorsque l’orage grondait, l’empereur Tibère se réfugiait dans une cave après s’être ceint d’une couronne de laurier.

Le figuier, le mûrier, la vigne blanche, le pêcher, le buis, etc., ont joui successivement ou simultanément dans les préjugés populaires de la même immunité. Aujourd’hui encore, suivant les pays, le hêtre, les résineux, le tilleul, le bouleau conservent le même privilège.

Le hêtre surtout à un bon renom : aux environs d’Heidelberg, un dicton conseille d’éviter les chênes et les pins, mais de rechercher les hêtres ; dans l’État du Tennessee, en Amérique, les habitants autrefois, quand il tonnait, se réfugiaient dans les forêts peuplées de cette essence. Diverses statistiques semblaient appuyer cette opinion que le hêtre, s’il n’est pas l’ennemi de la foudre, est du moins rarement frappé.

La question vient d’être reprise et traitée d’une façon très large (en ce qui concerne la Belgique) par M. Vanderlinden, assistant au service météorologique de Belgique. Les statistiques portent sur la période 1884-1906 ; le total des cas de foudroiement d’arbres relatés et de 1351. Ils sont répartis tant d’après les essences d’arbres frappés que d’après la saison et le mois de l’année et également suivant les zones géographiques.

Voici les arbres frappés le plus communément en Belgique : sur 100 cas, les peupliers en revendiquent 55, les chênes 14, les ormes 7, les résineux 7, les hêtres 3.8, les poiriers 2.7. De l’ensemble de son travail, M. Vanderlinden dégage, entre autres, les conclusions suivantes :

En Belgique, les arbres les plus sujets au foudroiement sont les diverses espèces de peuplier, les chênes et les résineux. On ne peut affirmer que certaines essences soient complètement épargnées.

L’espèce qui, dans une région donnée, fournit le plus de victimes, n’est pas celle qui y est la plus répandue, mais celle atteignant la taille la plus élevée et croissant habituellement dans une situation découverte.

Rien ne prouve que les facteurs qui conduisent la foudre sur un arbre dérivent de sa forme, de ses propriétés anatomiques, de la composition chimique de son bois, de sa conductibilité électrique, de la nature du sol ou du voisinage d’une nappe d’eau.

La blessure en spirale provoquée par la décharge n’est pas la plus commune, et elle ne se constate que sur les troncs à éléments ligneux ou corticaux tordus.

Proportionnellement au nombre d’individus en présence, la foudre frappe moins les arbres des forêts ou autres groupements compacts. Les sujets les plus exposés sont ceux des plaines peu accidentées,

Dans une série d’arbres, la foudre s’attaque de préférence au plus élevé.

L’emploi d’arbres comme paratonnerres n’est pas à conseiller, car la proximité d’arbres élevés et isolés augmente les risques pour les bâtiments.

La combustion complète ou partielle d’un arbre par foudroiement est un fait exceptionnel.

 

La Patrie (Montréal), 18 janvier 1908.

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