« Le retour des pêcheurs d’Islande »
En 1886, l’écrivain Pierre Loti a rendu hommage à ces pêcheurs de Dunkerque avec son roman Pêcheur d’Islande. Pierre Schoendoerffer en faisait un film en 1959. À Paris, le 16 septembre 1903, un chroniqueur anonyme rappelle leur retour en fin de saison.
Depuis plusieurs jours, dit une lettre de Dunkerque au « Gil Blas », les bateaux des pêcheurs de morue rentrent au port et vont s’entasser dans l’arrière-bassin, où ils demeureront inactifs jusqu’au mois de février.
La saison d’Islande est terminée. Après six mois d’absence, tout le monde rentre au bercail. Cette année, la mer, la terrible « mangeuse d’hommes », s’est montrée particulièrement clémente pour les Dunkerquois. Il n’y a eu aucun naufrage à déplorer sur les lieux de pêche.
Sur l’immense jetée, sur les bords de l’estacade, on rencontre plus d’un regard inquiet et humide qui fouille l’horizon, cherchant des visages connus et aimés, dès que les barques deviennent distinctes. À l’anxiété peinte sur tous ces rudes visages, succèdent des cris de soulagement pour ceux qui ont reconnu les leurs.
Le vent qui monte de la haute mer vient en aide à l’expérience des matelots pour gagner le chenal. Un souffle puissant jette toute cette flottille si longtemps en péril dans des ports les plus sûrs de France.
Ce sont alors des baisers, des étreintes, des sanglots de joie, un choc de parents et d’amis éperdus se retrouvant et se fondant.
Puis avant de rentrer chez soi, on va tout d’abord remercier « la Vierge des Flots ». À Notre-Dame des Dunes, la « neuvaine » est commencée. Je n’ai pas manqué d’assister à ce curieux spectacle, dit le correspondant. De grand matin, je me rends à l’entrée des ponts donnant accès aux « darses ».
Le soleil, pour être de la partie, s’est levé lentement, au milieu d’une bouée transparente, et, d’un bond, s’est envolé dans une clarté rose. Sur les bassins, une sorte de fumée rousse, au milieu de laquelle évoluent des bateaux à vapeur et de grands voiliers norvégiens, tandis que le grouillement obscur des petites barques traverse cette ombre lumineuse à demi, de sillons d’argent pareils à un cliquetis d’épées.
À mes pieds, un encombrement indéfinissable, perdu dans une même teinte grise de futailles, de fer et de houille. Là, s’agitent des hommes à demi nus, coiffés du béret de laine, les ouvriers du port, occupés pour le moment à décharger des bateaux de pétrole. Partout, du reste, une animation extraordinaire.
Les pêcheurs, qui rentrent du « chalut », rattachent leurs voiles le long des mâts, et débarquent leurs mannes de poissons. Des barques, larges, massives, aux flancs rebondis et calant peu d’eau, se dirigent vers d’étroits canaux qui forment une communication intérieure avec le port, véritables artères par lesquelles Dunkerque reçoit une partie importante de sa vie matérielle.
Le Canada (Montréal), 29 septembre 1903
L’image provient du site Histoires du Nord 3.