La gomme à mâcher
À Montréal, le chiquage de la gomme a fait de rapides progrès ; ce qui autrefois n’était qu’un jeu d’enfant est passé aujourd’hui dans le domaine des grandes personnes. On rencontre la gommeuse sur le boulevard St-Laurent, dans les théâtres, voire même aux concerts.
En potinant, les femmes mâchent de la gomme, elles en mâchent en faisant la cuisine, en cousant, d’aucunes même, dit-on, s’endorment en suçant de la gomme. […]
L’origine de l’habitude de sucer de la gomme vient des coureurs des bois, des défricheurs des forêts d’épinette du Maine, qui ont trouvé agréable de sucer la gomme à l’état naturel et se sont aperçus que c’était aussi un digestif très appréciable.
Graduellement, la gomme fut de plus en plus en demande et il y a environ quarante-cinq ans que les petites tablettes de gomme firent leur apparition sur le marché. La popularité cependant ne vint pas de suite et le commerce ne fut guère un pactole dès le début. On eut alors l’idée de rouler la gomme dans du sucre. Cette innovation eut un grand succès auprès des enfants, mais ce n’était pas encore la gomme des grandes personnes.
Le suçage de la gomme n’est réellement arrivé à une grande consommation et n’est devenu une industrie que depuis que les manufacturiers en eurent fait un produit raffiné dans la composition, duquel entrent toutes sortes d’essences au goût agréable et tentateur. […]
Et maintenant les tablettes vont dans les magasins de détail, dans les distributeurs automatiques ou dans les vitrines et la vente se fait nombreuse et variée. Tantôt c’est une petite menotte poisseuse qui tend la cent destinée à se changer en gomme, tantôt c’est une main finement gantée qui donne le cinq cents pour un complet de gomme. Tous les goûts sont dans la nature.
Ne blaguons jamais une bouche qui mâche, c’est encore mieux qu’un ivrogne qui a sa pistache.
La Patrie (Montréal), 22 septembre 1906.