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« Le jardin après la pluie »

Il ne pleut plus. Est-ce possible ? […] C’est alors que le jardin est beau à voir, à respirer et à aimer. Il n’est plus le même.

Foulé, trempé et gonflé d’eau, il est redevenu d’une fraîcheur édénique, si pénétrante et communicative que l’on se sent soi-même comme baigné et vivifié à son aspect. […]

Les boutons d’or, les pâquerettes, toutes les menues fleurs des champs, fatiguées mais non brisées par les ondes du ciel, ont un air de lassitude reconnaissante… Les feuilles, les branches, les mousses, les cailloux eux-mêmes et les pierres, toutes choses boivent encore.

La nature abreuvée outre mesure est heureuse. Et quoique la pluie, déjà lampée et séchée, ne soit plus là, on la sent encore, elle a laissé à son brutal et honnête passage des traces si claires ! Elle a balayé à larges nappes les toits de bure dont les spongieuses tuiles sont encore un peu molles comme les tartes refroidies : elle a lavé, nettoyé, fait dans tous les coins sa lessive, rincé les feuilles et les carreaux, la pierre et le bois, rajeuni la muraille. Les arbres ont un air débarbouillé, mais les animaux et insectes ne paraissent même pas se douter des cataractes qu’ils ont reçues. Le pigeon n’a pas gardé en équilibre sur son dos lisse une seule goutte irisée. Seuls, quelques rameaux balancent encore ces perles du ciel qui, dès qu’on y touche, comme si se rompait le fil où elles sont passées, s’égrènent et nous restent dans la main où elles fondent.

Henri Lavedan [1859-1940].

 

La Petite École, Organe officiel de l’Association des institutrices séculières rurales de la Province de Québec, Montréal, 8e année, No 9, mai 1935, p. 245.

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