Dans le quotidien montréalais Le Canada, édition du 5 mai 1903
Il fallait passer la rivière,
Nous étions tous deux aux abois.
J’étais timide, elle était fière,
Les tarins chantaient dans les bois.
Elle me dit : « J’irai derrière,
Mon ami, ne regardez pas. »
Et puis elle défit ses bas…
Il fallait passer la rivière.
Je ne regardai… qu’une fois
Et je vis l’eau comme une moire
Se plisser sur ses pieds d’ivoire…
Nous étions tous deux aux abois.
Elle sautait de pierre en pierre,
J’aurais dû lui donner mon bras,
Vous jugez de mon embarras :
J’étais timide, elle était fière.
Elle allait tomber, — je le crois
J’entendis son cri d’hirondelle ;
D’un seul bon je fus auprès d’elle…
Les tarins chantaient dans les bois.
Édouard Pailleron.