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Qui écrit portera toujours son pays en elle

Ainsi faut-il être fille de notre grand estuaire pour arriver aux propos suivants.

Catherine, mon amie, est née sur la Côte-du-Sud et elle y habite toujours. Moi, citadin, plus en amont sur le Saint-Laurent, entre Québec et Montréal, il m’aurait fallu tellement de vies pour arriver à la puissance et la beauté de ces mots criés parfois, ou simplement chuchotés. Extraits.

À présent, personne ne dit mot. Seul un froissement sur l’eau trouble la batture. Des reflets nacarat escortent le vent des îles. Des ombres glissent doucement sur le vieux chemin. Au bas de la falaise, un ruban d’herbes ourle un ancien rivage. Nos corps se souviennent. De la fureur des éboulis. Du tonnerre des dragons. Et des grandes marées qui découvrent parfois des épaves insoupçonnées.

* * *

Les mystères s’épuisent. Éclats. Solitude. Nous avons dressé l’espoir sur le sable gris de la longue côte. Nous avons restauré une marine pour la maison douce. Au nord, les personnages vacillent et s’effondrent comme des glaciers. La solitude revient. Nous la noierons dans la mer.

* * *

Tu écris le parcours de la terre sur un ciel qui s’égare. Tu viens à ma rencontre, déjà arrimé au soleil. Tu m’offres le café du matin parmi les odeurs de mer et de genièvre. Nous marchons dans le vent, fuyant les mouches noires, le regard errant entre les galets. Pour la pierre rare. Toi, tu crois aux trésors, alors qu’un archipel crie au vertige et que la mer rend son souffle. Le vent arme sa fougue à la mélancolie. L’éternité rapetisse dans nos mains.

* * *

La ferveur s’essouffle. Les fureurs s’estompent dans les brumes mordorées de la mémoire. Les images glissent, se reprennent et s’approprient les teintes sombres en périphérie de l’hiver. Les enfants grandissent dans des pays somptueux puis rejoignent la beauté des mondes lointains, emportés sur des constellations marines. C’est ainsi que foisonnent les fables, que chatoient les tableaux dans les chambres de la citadelle et que chavirent les banquises.

 

Catherine Fortin, Ainsi chavirent les banquises, encres de Suzelle Levasseur, Montréal, Éditions du Noroît, 1994.

4 commentaires Publier un commentaire
  1. Ode #

    Merci de partager la poésie immense… sensible… d’une grande beauté de cette auteure. Il faut aussi lire « Le désarroi des rives » et  » Le silence est une voie navigable ». Les titres, à eux seuls, sont des poèmes !!! Son écriture nous amène un calme extraordinaire !

    – Le temps n’a jamais dit si c’est lui ou pas qui a brisé l’horizon…. – (Le silence….)

    6 avril 2017
  2. Jean Provencher #

    Ce qu’écrit Catherine est fort beau.

    6 avril 2017
  3. Catherine Fortin #

    Cher ami Jean, c’est très généreux. Merci à toi pour le partage des extraits et pour ton commentaire. Merci également à Ode, c’est tout gentil.

    17 avril 2017
  4. Jean Provencher #

    Je t’en prie, chère Catherine. C’est bien moi qui dois te remercier.

    17 avril 2017

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