La Mésange à tête noire selon Audubon
Jean-Jacques Audubon (1785-1851), peintre et naturaliste, s’est beaucoup intéressé aux oiseaux. Il publie par sections de 1827 à 1838 son grand ouvrage Birds of America. La page Wikipédia en français qu’on lui consacre laisse entendre qu’il est l’auteur de beaucoup d’histoires « infondées ».
Mais quand même. Comment dire où ces histoires commencent et finissent, allez savoir.
L’éditeur Payot a publié en français Les Oiseaux d’Amérique. Je m’arrête à la Mésange à tête noire, la compagne, l’hiver, de ma poignée de Bruants hudsoniens. Quelques scènes de la vie quotidienne de la mésange.
Hardie, courageuse, remuante, industrieuse et frugale, la Mésange à tête noire parcourt les forêts durant l’été et se retire ensuite dans les parties les plus solitaires des bois, comme si une grande quiétude lui était nécessaire pour couver. Pondant de nombreux œufs, elle élève une nombreuse famille et comme la première couvée est bientôt élevée, on voit les jeunes accompagner leurs parents dans la recherche de la nourriture. […]
La Mésange à tête noire, ou Chickadee, comme elle est généralement appelée aux États-Unis, est excessivement méfiante en été et pendant la saison de la reproduction, mais elle devient tout à fait familière en hiver, quoique je ne l’ai jamais vue entrer dans les habitations de l’homme. Cependant par très mauvaise température, elle devient très familière, lorsque la neige recouvre partout le sol, avec le voyageur ou le bûcheron, pareille en cela au Rouge-Gorge d’Europe.
Souvent dans de telles occasions, vous pouvez lui offrir une petite portion de votre repas qu’elle dévore sans hésitation, ni appréhension. Le son d’une hache dans les bois est suffisant pour attirer ces petites créatures et lorsqu’elles ont découvert l’homme des bois, elles paraissent se complaire dans sa compagnie. Un bûcheron du Maine m’a raconté que tandis qu’il était occupé par son travail, il avait vu une bande de Mésanges également bien occupées dans l’exploration de son panier de provisions.
Elles avaient attaqué un morceau de bœuf froid et il voyait les petites têtes se montrer fréquemment au-dessus du panier, comme si elles avaient voulu pouvoir déceler tout danger qui aurait pu se présenter. Après avoir suffisamment mangé, les oiseaux avaient approché le feu du campement et s’étaient perchés directement au-dessus du feu, mais en dehors de l’action de la fumée. Ils lissaient leurs plumes et secouaient leurs ailes, mais lorsque le bûcheron se mit à son tour à manger, les Mésanges l’entourèrent et du ton le plus plaintif, elles parurent solliciter une portion. […]
En hiver et même en automne, j’ai vu les Mésanges rôder autour des fermes, souvent même dans les villages ou les villes, où elles recherchent leur nourriture dans les arbres. […]
Ces extraits d’Audubon sur la mésange sont bien courts, car l’auteur est beaucoup plus généreux au sujet de cet oiseau. Chose certaine, me basant sur ce que je vis avec la mésange depuis plus de 40 ans chez moi, cet écrit est tout à fait plausible. Pour les images qui accompagnent ce billet, je suis sur ma galerie arrière et la mésange est à un mètre et demi de moi. Pour la troisième photographie, à moins d’un mètre, et je ne lui inspire aucune crainte. Elle est à sa besogne. Petit oiseau tellement attachant.
J.-J. Audubon, Les Oiseaux d’Amérique, tome II, Paris, Payot, 1945, p. 192-195.