La visite de la compagne du sage et son invitation… irrésistible
À nouveau un poème à la une d’un journal québécois. De Sorel cette fois-ci. Et en 1886. Arrivera-t-on à savoir comment s’alimentent les journaux québécois à ce sujet ? D’autant plus que ce poète, Piedagnel, est un parfait inconnu au Québec, et que son poème paraît en 1866 dans Le Parnasse contemporain, Recueil de vers nouveaux.
Consolation
La neige tapissait la terre
Et frangeait le toit des maisons;
Au coin de l’âtre, solitaire,
Je regardais mes froids tisons.
Bientôt une douce parole
M’arrache à mon accablement…
« — Viens ! disait-on, car je console
» Des regrets, de l’isolement.» —
Une femme jeune et rieuse
S’accoudait à mon vieux fauteuil :
La ravissante visiteuse,
Sans bruit, avait franchi le seuil.
« Ami, dans tes jours de souffrance,
» Des ennuis je te guérirai.
» À l’heure où s’en va l’espérance,
» Vite, appelle-moi : je viendrai !» —
» — Mais qui donc ici m’encourage,
» Quand je ne sais que devenir ? » —
» — Je suis la compagne du sage :
» À ma voix il croit rajeunir.
» Le bon sourire de ta mère,
» Tes jours d’illusion, de foi,
» Et tous ceux qui t’aimaient naguère,
» Tu les reverras, — grâce à moi !
» Les rêves de l’adolescence,
» Le parfum du premier amour,
» Avec les fêtes de l’enfance,
» Reviendront vers toi tout à tour.
» Bien loin des ronces de la vie,
» Je te conduirai par la main;
» Nous suivrons la route fleurie,
» Car je choisirai le chemin !
» Adieu l’hiver et la vieillesse !
» Le printemps te sourit là-bas :
» Un chaud rayon déjà caresse
» Le thyrse embaumé des lilas…»
» — Quel est ton nom, bel ange Rose
» Qui parles de si doux plaisirs ?»
» — Je suis, pauvre vieillard morose,
» L’ange des riants souvenirs. »
Alexandre Piedagnel (1831-1903).
Cet homme né à Cherbourg était écrivain, journaliste et poète français. Il publia trois recueils de poésie : Avril (1877), Hier (1882) et En route (1888).
Le Sorelois, 30 novembre 1886.