Peut-on aller jusqu’à la domestication des poissons ?
Un Suisse semble avoir trouvé la réponse.
Un médecin suisse a voulu voir, nous apprend le chroniqueur de l’«Illustration», s’il est possible d’apprivoiser visiblement des poissons.
Cette idée lui est venue à Lugano, Suisse, où il faisait une cure de bains ans le lac.
Dans la piscine, qui n’était séparée du lac que par des murs en pierres, entassées les unes sur les autres, il y avait une famille de loches au nombre de 100 à 150 individus, provenant de cinq ou six pontes différentes.
Pour se rendre favorables les poissons dont il venait troubler la tranquillité en prenant son bain, l’observateur suisse eut l’idée de passer chaque matin et chaque soir, une heure immobile dans la piscine. Il s’asseyait, avec de l’eau jusqu’au cou, les bras sur les genoux et tenant deux poignées de pain. Le pain attirait les loches mais le baigneur les effrayait, malgré l’immobilité qu’il s’était imposée.
Après quelque temps, toutefois, certaines jeunes loches, plus aventureuses, s’enhardirent au point de venir happer un peu du pain qui leur était offert. L’exemple fut bientôt suivi par les ainées et, au bout de peu de temps, le baigneur, dès qu’il entrait dans l’eau était entouré de toute la bande qui venait se régaler du pain dont celui-ci était toujours muni. Les poissons n’éprouvaient aucune frayeur des mouvements du visiteur, ils circulaient autour de lui, se laissaient prendre et caresser sans aucune difficulté.
C’était pour eux un jeu et le jour où, pour les photographier avec leur ami, on étala d’abord au fond de l’eau des draps pour avoir un arrière-plan approprié, on eut toutes les peines du monde à leur faire comprendre qu’il ne s’agissait pas de jouer à cache-cache.
L’Album universel (Montréal), 20 octobre 1906.