Des Bohémiens à Montréal
Des Bohémiens. Un nombreux contingent arrive à Montréal. Scène extraordinaire à la gare Windsor.
Je vais vous dire. Lisant ce titre en page 2 de La Patrie du 12 septembre 1899, je craignais, avant de poursuivre plus avant, voir surgir de l’intolérance. Se glissant insidieusement dans le propos ou plus franchement affirmée. Souvent, dans la presse québécoise de 1900, lorsque le mot Bohémien est échappé, on décèle rapidement de l’intolérance à l’égard de cette population. Il nous sera sans doute donné d’y revenir. Certains journalistes vont même jusqu’à espérer, et l’affirment sans aucune retenue, que la police leur mette de ce pas la main au collet. Mais pas cette fois-ci. Voyez. On semble plutôt chanter la couleur de l’événement. Cela me rassure au sujet de la bête humaine.
Ce matin, à l’arrivée du convoi de New-York, les nombreuses personnes qui se trouvaient à la gare Windsor n’ont pas été peu surprises de voir descendre d’un wagon un contingent nombreux de Bohémiens.
Les femmes portaient leur costume national aux brillantes couleurs avec force ornements, consistant en pièces de monnaie, verreries et autres parures qui attirent le regard. Elles avaient sur la tête un long châle. Les enfants étaient emmaillotés dans d’épaisses couvertures. Tant qu’aux hommes, ils étaient loin d’avoir aussi belle mine que les femmes, et leurs toilettes laissaient même quelque peu à désirer. Les mères de famille et les filles assez âgées portaient les enfants étroitement pressés contre elle, pendant que les hommes étaient chargés comme des mulets, de sacs, de poches, de boîtes et d’autres objets tels que petits chiens, cochons de mer, etc.
Aussitôt, après être descendus du convoi, ils se dirigèrent à la queue leu-leu vers la porte de sortie et immédiatement s’asseyèrent par terre à gauche de l’entrée. On eut toutes les peines du monde à les faire entrer dans la salle d’attente pendant qu’on leur cherchait une hôtellerie. Ces singuliers personnages parlent l’espagnol et aussi un peu le français. Ils disent venir de Mexico, mais ils assurent avoir visité la France, Cuba et plusieurs autres endroits. Pendant leurs pérégrinations, ils exercent le métier de chaudronniers et prétendent exceller dans cette branche de l’industrie.
En attendant qu’ils trouvent à se loger pour exercer leur négoce, ils sont descendus à l’hôtel Broadway.
Source de l’illustration : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal, Fonds Laurette Cotnoir-Capponi, cote : P186, S9, P88.