Les premiers baisers
Bien sûr, la plupart du temps, les premières gelées surviennent en septembre. Pour en parler, le 16 septembre 1908, le journaliste du Soleil de Québec se fait poète.
Il intitule son court paragraphe Les premiers baisers, plutôt que Les premières gelées.
Les fleurs étiolées de l’été, écrit-il, ont reçu, ce matin, les premiers baisers glacés de la saison. La rosée de la nuit s’était cristalisée sur les choses. Les feuilles des arbres ont commencé à rougir telles de jeunes vierges à cet attouchement pourtant glacé. L’automne est à nos portes et bientôt le soleil assistera impuissant à l’arrivée des neiges.
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ll y a plus de 100 ans, le 19 mai 1908, Louis St-Laurent (1882-1973) épousait à Beauceville Jeanne Renault (1886-1966), fille de Pierre-Ferdinand Renault (1853-1912) et Amanda Montminy (1853-1922). St-Laurent sera premier ministre libéral du Canada de 1948 à 1957. En 1907, l’avocat St-Laurent défend en cour d’appel son ami Marius Barbeau; un prêtre aurait fait changer le bénéficiaire du testament de sa mère en sa faveur… Il fut prouvé que sa défunte mère était trop faible mentalement pour comprendre la portée de son acte. Or, Barbeau était bon musicien et très en demande aux parties de cartes et piques-niques de Québec.
Ainsi, en 1906, Marius et son ami Louis se retrouvent à une réception. St-Laurent est attablé face à la jeune Jeanne. Ils bavardèrent et il la reconduisit chez elle. L’été suivant, Barbeau les aida à se revoir à un pique-nique et lors d’une vente de charité à Beauceville.
Une correspondance sous pli fermé s’engagea. Le conservateur P.-F. Renault exigea des échanges par cartes postales! Renault est propriétaire d’un prospère magasin général dans la métropole de la Beauce d’alors, Beauceville. Quant au libéral Jean-Baptiste St-Laurent (1839-1915), il tenait sensiblement le même commerce à Compton. Jeanne et son père furent invités à Compton, où on avait des préjugés sur les jarrets noirs et leur accent. Malgré tout, les fiançailles eurent lieu en 1907.
La jeune Jeanne était habituée aux domestiques, aux bonnes, cuisinières et couturières…son Louis ne gagnait que 50$ par mois! Le mariage eut lieu au printemps 1908. Louis portait jaquette trois-quart, pantalons serrés aux chevilles et guêtres grises. Après la cérémonie, Jeanne portait un haut chapeau étagé et drapée dans un châle de voyage. Louis avait fière allure avec son large stetson blanc, veston croisé et souliers vernis…direction les chutes du Niagara.
Fin juin, ils emménagent dans un huit pièces, voisin de l’église anglicane rue Saint-Jean à Québec. Plus tard, en 1931, ils déménagent avec leurs trois enfants, Marthe, Renault et Jean-Paul, sur la Grande-Allée. Thérèse et Madeleine y voient le jour.
Un jour, le journaliste-écrivain Roger Lemelin interviewe Mme Saint-Laurent qui lui avoue qu’après quatre dimanches de Charlemagne, le trouvant trop peu entreprenant, c’est elle, Jeanne, qui le remorque au salon et lui plaque sur la bouche un baiser impatienté. Lors d’une élection, 5000 personnes viennent acclamer St-Laurent près de chez lui. «Que la foule se calme, je ne suis pas à son service. Elle saisit le chapeau melon de Louis, le lui enfonça jusqu’aux oreilles et trancha : T’as voulu faire de la politique, maintenant paye!» Derrière chaque grand homme, il y a…
Sources :
Louis St-Laurent canadien, Dale C. Thomson, C.L.France, Montréal, 1968.
Autopsie d’un fumeur, Roger Lemelin, Alain Stanké éditeur, 1988