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Un dangereux voyage en train raconté avec humour

A la gareLes membres de la députation de Québec seuls ont failli ne pas arriver sains et saufs à Toronto. Hier après-midi, à environ un mille de Brockville, alors que le train marchait à raison de quarante milles à l’heure, le train a fait un saut de carpe, tel que n’en ont jamais rêvé les gymnastes de France et de Navarre.

Des ouvriers étaient occupés à réparer la voie et, entre parenthèses, il faut dire qu’elle en a et qu’elle en avait besoin; sur les dormants pourris, les rails mal ajustés se sont écartés, la locomotive a passé, mais le tender [le wagon à charbon] est resté sur le carreau. Nous étions lancés, comme je l’ai dit, avec une vitesse de quarante milles à l’heure.

Le char de l’express a été lancé dans le champ à droite, et aux trois quarts réduit en aiguillettes; le char à bagages est allé se promener du même côté avec son assortiment de valises, le préposé aux bagages, un nommé B. Goyette, a été extrêmement froissés dans cette brusque débâcle. On eut dit qu’il en avait avalé une, tant il se plaignait de douleurs dans l’estomac, mais il n’a rien eu de sérieux.

Deux autres chars à passagers sont allés farfouiller la terre à plusieurs pieds de profondeur sur une longueur d’environ deux cents pieds [61 mètres]; le Pullman est allé simplement piqué une tête dans le sol; le char réfectoire a pu rester sur les rails avec sa vaisselle.

Vous dire la peur des gens, pas chose facile; dans le premier char de seconde classe, LeVasseur et Dionne fumaient gravement en devisant sur les beautés du paysage, lorsque tout à coup le char fut pris d’une danse en comparaison de laquelle la danse de St-Guy est un menuet de la Régence; LeVasseur perdit son cigare et se propose de poursuivre le Grand-Tronc en dommages pour son lopdrès; un nègre dandy, nonchalamment étendu sur un siège en face de moi, vint blanc comme un drap. Ce fut un sauve-qui-peut général.

Mais, personne de blessé, rien que des attaques de nerfs. Quand on considère le dégât, les fouillis, ces chars en pièces sans dessus-dessous, le sol farfouillé, des roues et des rafts jonchant ça et là le terrain, on se demanda comment tout le monde à bord avait pu échapper à l’accident sans blessure, sans la moindre contusion.

C’est vraiment miraculeux.

 

Le Franco-Canadien (Saint-Jean-sur-Richelieu), 7 juillet 1883. Le journal précise qu’il tient ce texte du quotidien québécois Le Canadien.

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