Première observation de la Paruline à flancs marron
Jamais aperçue dans mes broussailles depuis 40 ans. Mais peut-être est-elle là depuis un moment, car les connaisseurs disent que son chant est voisin de celui de la Paruline jaune. Or, les Parulines jaunes et masquées ont toujours été communes chez moi.
James M. LeMoine (Ornithologie du Canada, 1861), qui habite Québec, l’appelle la Fauvette aux côtés châtains (Chestnut-sided Warbler). «Encore une espèce de l’ouest de la province et inconnue pour nous, écrit-il. Cette fauvette niche dans les aubépines et les rosiers. Elle arrive lorsque les arbres commencent à fleurir et s’occupe alors activement à dévorer les insectes qui cherchent à s’y attacher, pour y déposer leurs larves.»
«Le front, une ligne au-dessus des yeux et les plumes des oreilles sont d’un blanc pur; le sommet de la tête d’un jaune brillant; le dos et le derrière de la tête sont marqués de gris, de foncé, de noir et de jaune pâle; les ailes sont noires; les primaires, frangées d’un bleu pâle; les secondaires largement frangées d’un jaune pâle; la queue noire, fourchue et frangée de gris à l’extérieur; les barbes inférieures des trois plumes extérieures marquées d’une tache blanche; là où se termine le noir, à la mandibule inférieure, de chaque côté, une barre de châtain roussâtre descend le long des côtés du cou et sous les ailes à la racine de la queue. Le reste des parties inférieures sont d’un bleu pur; les jambes et les pieds gris; le bec noir; l’iris, couleur de noisette.» Bref, voilà un oiseau on ne peut plus coloré, ma mère avec sa langue du 16e siècle venue de France dirait chamarré.
Charles-Eusèbe Dionne, dans Les oiseaux du Canada (Québec, 1883], dit qu’elle porte le nom de Fauvette de Pennsylvanie, ou, familièrement, Fauvette aux côtés châtains. «Cette Fauvette, quoique rare, est cependant plus commune que la précédente [qu’il appelle Fauvette à poitrine baie]. Elle va vers le nord faire sa ponte.»
Dionne est plus bavard en 1906 (Les Oiseaux de la province de Québec). «Cette espèce se voit fréquemment dans nos bois près de Québec et sur toute la côte de Beaupré, où elle doit nicher, puisque je l’ai remarquée en juillet et en août. M. Wintle la mentionne comme commune en été à Montréal, nichant dans le parc Mont-Royal. […] On dit que les œufs d’Étourneaux sont fréquemment trouvés dans le nid de cette Fauvette. Elle fréquente de préférence les petits buissons et le versant des montagnes ou des collines.»
Je doute des propos de Dionne sur l’Étourneau sansonnet qui parasiterait les nids de cette paruline; l’étourneau, qui a le dos bien large, n’habite pas les mêmes lieux que l’autre et n’a jamais eu cette réputation. Et puis, au moment où Dionne publie son ouvrage, en 1906, l’étourneau n’est pas encore présent au Québec. Dionne doit se tromper et le confondre avec le Vacher à tête brune.
P. A. Taverner (Les Oiseaux de l’Est du Canada, 1920) dit qu’elle est ordinairement trouvée «dans les lieux buissonneux et secs, dans les secondes récoltes et dans les arbustes à framboises».
Dans L’Atlas des oiseaux nicheurs du Québec (1995), un ouvrage capital, on la nomme Paruline à flancs marron. Guy Lemieux et Line Choinière sont les auteurs du texte sur cet oiseau. Leur texte s’ouvre sur la joie.
«La Paruline à flancs marron est l’une des espèces qui a le plus bénéficié de la colonisation de l’Amérique. D’ailleurs, elle profite encore aujourd’hui de l’activité humaine, tant dans les secteurs forestiers qu’en milieu rural. En effet, elle est associée aux milieux en régénération et ses effectifs ont augmenté à la suite des perturbations majeures qu’ont subi les forêts mixtes et feuillues. Avant le développement de l’exploitation forestière et de l’agriculture, cette paruline était vraisemblablement limitée aux aulnaies et saulaies riveraines, de même qu’aux brûlés en régénération. »
Pour son nid, «le noisetier, le framboisier, la spirée, la viorne, les jeunes érables et les aulnes sont autant de supports possibles». «Les nids sont régulièrement parasités par le Vacher à tête brune. […] Pour se défendre, la paruline recouvre parfois la première ponte et l’œuf du vacher d’une deuxième plancher et commence une nouvelle ponte.»
Dans Le Guide Sibley des oiseaux de l’Est de l’Amérique du Nord (Waterloo, Éditions Michel Quintin, 2006), David Allen Sibley écrit qu’elle est commune par endroits, dans les milieux buissonneux de seconde venue, les vergers et les bords de routes; souvent en milieu plus sec que la P.[aruline] jaune».
Et voilà l’utilité d’un arbre mort pour l’observation des oiseaux.