À travers nos mots
Dans La Patrie du 7 avril 1894, Ernest Myrand assure la chronique linguiste avec, entre autres, le mot «s’adonner». La semaine suivante, on demande à l’écrivain Louis Fréchette de s’y essayer à son tour.
Ce dernier y glisse des infos historiques bien intéressantes. Exemples.
Guignolée est canadien, mais d’origine européenne. En France, on dit guilaneu; ce n’est pas un substantif, mais une interjection. C’est la corruption de gui l’an neuf, une expression dont on se sert dans certaines provinces pour demander les étrennes du jour de l’an pour les pauvres. C’est un vestige d’une vieille coutume emprunté aux druides.
Canard, en termes de journalisme, est très ancien, ce qui rend son étymologie fort douteuse. Quelques-uns la font remonter à M. de Crac [personnage de théâtre français].
Le fameux Gascon avait vu s’abattre dans on étang une volée de canards. Il nous une couenne de lard au bout d’une ficelle; un des canards l’avale et la digère instanter. Un deuxième fait de même, un troisième, un quatrième, etc. Et voilà le baron de Crac avec un chapelet de canards qui l’enlèvent de terre. Heureusement qu’ils le laissèrent retomber juste dans sa cheminée.
Une autre origine encore plus cocasse, sinon plus authentique :
Pour rendre la monnaie de leurs pièces aux gazettes parisiennes, un journaliste belge annonça qu’il venait de faire une très curieuse expérience sur la voracité des canards.
«Vingt de ces volatiles étant réunis, on hacha l’un d’eux avec ses plumes et on le servit aux autres, qui le dévorèrent gloutonnement. On immola le deuxième qui eut le même sort, puis le troisième, et enfin successivement tous les canards jusqu’à ce qu’il n’en restât plus qu’un seul, qui se trouva ainsi avoir avalé les dix-neuf autres, dans un temps déterminé et très court.»
Cette fable eut un grand succès, et c’est depuis lors, dit-on, qu’on appelle canard une nouvelle à sensation dont l’authenticité laisse à désirer.
À noter que, selon le dictionnnaire de Narcisse-Eutrope Dionne, Le parler populaire des Canadiens français (Québec, Laflamme et Proulx, 1909), on dit bombe dans la région de Québec et canard dans la région de Montréal pour désigner la bouilloire.