On n’arrive pas à se défaire d’un bateau
Les bateaux pour la navigation intérieure sont précieux. À moins d’un désastre, traversiers, navires de croisière sur le fleuve ou le Saguenay, caboteurs ont souvent une longue espérance de vie. On n’envoie jamais un de ces bateaux à la casse pour un oui ou pour un non. Même après de nombreuses années de service, on préfère toujours le rafraîchir, le modifier, l’adapter, changer son nom, lui donner une autre vocation, et quoi encore, repoussant le moment de son démembrement. Le vapeur Québec témoigne de ce propos. Le journal La Presse nous raconte son histoire le 20 août 1906.
Le vapeur Québec de la compagnie Richelieu et Ontario, qui fait le service entre Montréal et Québec, sera remplacé, le 26 du mois courant, par le Saint-Irénée, de la même compagnie.
Le vapeur Québec doit subir d’importantes réparations, ou, pour mieux dire, doit être refait à neuf. Telle est la décision des officiers de la compagnie.
Le Québec a été construit en 1866. Il a donc 40 ans d’existence. Sa coque a été faite de fer forgé à la main, et elle est garantie devoir donner une durée de 99 ans.
Dans l’eau douce, le fer forgé est beaucoup supérieur à l’acier. Il ne se corrode pas, ni n’amasse de limon comme ce métal.
Un modèle du Québec qui figurait aux expositions de Paris et de Philadelphie, lorsque le navire fut construit, a été fort admiré. Malgré tous les perfectionnements de la science, les navires, de nos jours, appelés à faire le même service que le Québec, sont encore construits sur le modèle de celui-ci, c’est à peine s’il y a quelques légères améliorations.
Quoi qu’il en soit, ce magnifique navire de la compagnie Richelieu et Ontario va être défait jusqu’à la coque qui sera elle-même allongée de 20 pieds.
Le Québec, qui a aujourd’hui 300 pieds, mesurera, une fois terminé, 320 pieds. La coque sera coupée par la moitié et allongée à cet endroit. Le navire aura trois rangées de cabines et ressemblera au Montréal une fois terminé.
Pendant les 40 années qu’il a servi, le Québec a fait, en chiffres ronds, 1,500,000 milles. On conviendra que c’est un beau record. Pendant cette longue période, l’on a pas eu à enregistrer à son bord d’accidents qui valent la peine d’être mentionnés.
Plusieurs capitaines se sont succédés sur ce navire qui, aujourd’hui, est commandé par le capitaine J. Octave Boucher, si avantageusement connu de tout le public voyageur.
Les plaques de fer qui ont servi à faire le Québec ont été forgées en Angleterre, mais le travail de construction a été fait à Montréal, ainsi que le dessin de l’architecte. On peut donc dire que c’est le produit de l’industrie canadienne d’alors.
Les travaux de réparations ne seront terminés que le 15 juin prochain, alors que le navire remis à neuf, plus beau, plus majestueux que jamais, sortira des docks de Sorel, pour reprendre son service sur le St-Laurent, entre Montréal et Québec. L’équipage du Québec fera le service sur le St-Irénée.