La fête des Rois (6 janvier)

De France, un certain Édouard Santeuil nous raconte l’histoire de la fête des Rois.

La voici de retour, comme chaque année, la symbolique Épiphanie, avec ses trois mages guidés par la mystérieuse étoile et apportant au nouveau-né de Bethléem de l’or, de l’encens et de la myrrhe ! Combien de poésies suaves et de fables charmantes elle a inspirées !

L’Église primitive a fait de ces mages d’Orient — ils venaient de l’Arabie heureuse ou de la Perse — des rois qui ont survécu à toutes les vicissitudes humaines. […] Dès le cinquième siècle, c’est un des fastes les plus glorieux de l’histoire chrétienne. Jadis, il était fête chômée. Le Concordat de 1801 l’a renvoyé au dimanche suivant.

Telle a été la popularité de l’antique fête des Rois, que, seule entre toutes, elle s’est conservée dans les familles, et avec quel entrain de bon aloi ! La liesse est universelle. À la même heure, elle éclate sous toutes les latitudes. […]

À Paris comme à Milan, à Vienne comme à Madrid, apparaît sur les tables le légendaire gâteau. Mais qui sera le roi du festin ? […]

Le gâteau, paré de rubans et de fleurs, est étagé [sic] entre les convives et celui à qui échoit la fève est le roi. À partir de ce moment, il est à la merci de ses sujets. À peine approche-t-il le verre de ses lèvres, qu’ils crient à bouche-que-veux-tu : «Le roi boit ¡» Au quinzième siècle, tout convive oublieux était à l’instant barbouillé de suie.

Le roi a un doux privilège : il a le droit de choisir une reine comme il lui plaît.

Quant à la fève, ne croyez pas qu’elle sera jetée. On la conservera comme une amulette précieuse, un préservatif contre tous les maux. Les Bretons, encore aujourd’hui, la présentent à l’offrande pour qu’elle soit bénite.

Autrefois, il était de règle que l’on prélevât sur le gâteau deux parts, une pour Monseigneur Dieu et une pour Madame la Vierge. On les envoyait naturellement aux pauvres. […]

Sous Louis XIV, l’ancien usage se dépouille de tout caractère officiel. Le galant Louis XV fête les Rois avec la Dubarry, et le pauvre Louis XVI en famille. Et c’est dans l’intimité également que le bourgeois Louis-Philippe et le rêveur Napoléon III rappellent les agapes d’antan.

Mais la tradition pour se dégager de tout gala n’en survit pas moins. La courtoisie et la gaieté françaises la perpétuent, soit au cabaret à la mode, soit à la maison. On tire les Rois à Paris, comme en province, dans les plus grandes villes comme dans les plus humbles villages.

Si les «Rois s’en vont», du moins ressuscitent-ils, ce soir-là, par milliers aux tables copieusement servies. Il est vrai qu’ils sont éphémères !

Édouard Santeuil.

La Patrie (Montréal), 7 janvier 1903.

Ci-haut, une partie de la crèche de l’église Notre-Dame-de-la-Garde à Québec. On aperçoit les trois rois mages à l’avant-plan. On dit que les personnages traditionnels de cette crèche ont plus d’un demi-siècle. Ce sont des figurines italiennes achetées alors aux Magasins Paquet, rue Saint-Joseph, dans le faubourg Saint-Roch, à Québec.

Sur les Rois, voir aussi ce billet.