À Montréal, les diseuses de bonne aventure font un malheur
Dans la métropole, rue Saint-Laurent, on fait la queue pour pouvoir les consulter. C’est la folie.
La Patrie a annoncé, avant-hier, que des Bohémiennes, diseuses de bonne aventure, avaient élu domicile rue St-Laurent, près Prince-Arthur. La foule, toujours désireuse de percer les voiles de l’avenir, a envahi l’«antre mystérieux» où l’on raconte le passé et où l’on laisse entrevoir la destinée. À dix heures, hier soir, la rue St-Laurent en face de l’«antre» était complètement bloquée, et les diseuses de bonne aventure ont dû requérir les services de six robustes constables pour maintenir les impatients qui voulaient avoir leur tour. Le détective Guérin et trois de ses confrères se sont frayés un passage à grand peine, au milieu du flot toujours grossissant. Ils ont tout trouvé dans l’ordre. Ce matin, le chef de la sûreté, M. Carpenter, a déclaré à notre reporter que la justice ne prendra aucune action en la matière, à moins que des plaintes ne soient portées.
La Patrie (Montréal), 19 novembre 1902.
Mais attention ! Prière aux filles sensibles de s’abstenir
Un citoyen de cette ville [Montréal] a voulu, ce matin, obtenir un mandat contre les Bohémiennes qui disent la bonne aventure par le temps qui court, dans la rue St-Laurent. À la suite des révélations qui auraient été faites à sa jeune fille, cette dernière a subi un violent choc nerveux. Les Bohémiennes auraient lu dans son passé comme dans un miroir, et lui auraient fait des prédictions qui l’ont profondément émue.
Au palais de justice, on a fait comprendre au père de la jeune fille que les lois ne visent pas les sciences occultes. Tout le monde a droit d’aller consulter les chiromanciennes et, s’il le désire, d’ajouter foi à leurs prédictions.
Les Bohémiennes de la rue St-Laurent, paraît-il, font courir des foules de personnes anxieuses de connaître le sort qui leur est réservé.
La Patrie (Montréal), 17 novembre 1902.
