Les enfants meurent à Montréal, l’été
En 1900, à Montréal, les enfants ne cessent de mourir. On les échappe, le panier est percé. Une véritable misère. Le taux de mortalité infantile est affolant. Les médecins commencent à s’en alarmer.
Dans un article à la une, le 7 juillet 1899, le journal La Patrie fait écho à ce grave problème et donne la parole au directeur du Bureau d’hygiène de la ville de Montréal, le médecin Louis Laberge.
En face de la croissante mortalité des enfants en bas âge, écrit-on, le Dr Laberge continue à faire des recherches sur les causes de cette augmentation dans les décès de ces jeunes marmots.
Il croit que les causes les plus fréquentes sont la malpropreté, l’air trop restreint et la négligence apportée par les parents. Il ajoute que les fosses d’aisance qui existent dans les limites de la cité de Montréal sont bien propres à vicier l’air qui empoisonne les petits êtres et il constate que c’est surtout dans les quartiers où ces fosses existent que la proportion de la mortalité chez les enfants est la plus grande.
Le Dr Laberge a aussi constaté que la proportion des décès est plus considérable dans les quartiers de la partie est de la ville que dans les quartiers de l’ouest…
La Patrie se fait un devoir de mentionner ces faits afin qu’à l’avenir on y fasse plus attention. C’est un mouvement patriotique que celui qui est fait dans le but de provoquer l’accroissement de la population; tel a été la superbe attitude prise par le gouvernement Mercier lorsqu’il a fait adopter une loi accordant 100 acres de terre à tout père de 12 enfants vivants…
Les pères et les mères canadiens-français, auxquels nous nous adressons spécialement, ne devraient pas perdre de vue qu’ils ont une grande mission à accomplir et que le premier devoir qui leur incombe est l’entretien et l’éducation de leurs enfants.
D’un autre côté, les autorités municipales devraient ne rien épargner pour assainir la ville, faire disparaître les fosses d’aisance et autres causes d’empoisonnement de l’air, ouvrir des parcs, planter des arbres destinés à purifier l’air, en un mot faire de chaque quartier de la ville des milieux sains où pourra croître et se multiplier une race forte et vigoureuse.
Avec le siècle qui nous sépare, ce discours apparaît étonnant. On ne cherche pas encore à sauver l’enfant pour lui-même, mais pour la patrie, pour une race forte et vigoureuse. Cela dit, les jeunes enfants meurent alors tout autant à Québec. Au cours de la première moitié du 20e siècle, une période capitale dans l’histoire de la santé, il nous faudra mener, avec l’aide des pouvoirs publics, une longue lutte pour arracher nos enfants à la mort. Le 20e siècle sera celui de l’enfant.
Le cheval dans le clos illustrant cet article, véritable jouet pour enfant, est une création d’Émile Bluteau, de Wickham.
Au sujet de cet article, un ami m’écrit : « Ça me touche au coeur,
tout en me rappelant mon voyage en Inde et les égouts à ciel ouvert ».