Décès du géant Édouard Beaupré
Les dépêches nous apprennent la mort d’Édouard Beaupré, le géant, arrivée dans la nuit de samedi, à l’exposition de St-Louis. Le géant canadien aurait succombé à la consomption.
Après une journée joyeuse employée à donner des représentations sur le Pike, il se sentait très bien.
Tard dans la nuit, il demanda une tasse de thé et commença immédiatement à cracher le sang et mourut avant l’arrivée des médecins.
Beaupré était bien connu à Montréal. C’est ici, on s’en souvient, que venu il y a trois ans pour suivre un traitement médical, il commença à s’exhiber. C’est donc à Montréal qu’il se révéla au monde entier. Sa personnalité passionna pendant longtemps l’opinion et on accourait de loin pour le voir.
Longtemps, il s’exhiba au coin des rues Ste-Catherine et Maisonneuve; on dit qu’il y fit beaucoup d’argent. Il fit plusieurs séjours à Montréal. Au printemps dernier, il quitta la métropole canadienne pour toujours.
C’était réellement un géant, mesurant huit pieds et deux pouces de hauteur, pesant 378 livres et doué d’une force herculéenne. On se rappelle encore sa lutte homérique avec Louis Cyr, le champion des hommes forts. La facilité avec laquelle le géant se laissa ceinturer par le champion consola celui-ci de sa défaite humiliante aux mains de George Little, quelques mois auparavant.
Beaupré n’était pas beau garçon en dépit de sa magnifique stature, aussi ne rapporte-t-on de lui aucune aventure galante. Il avait la figure difformée et cette difformité était la suite d’une chute de cheval. Beaupré était cow-boy dans sa jeunesse; il fut excellent cavalier jusqu’à ce que les jambes, lui étant poussées trop longues, elles traînaient sur le sol quand il galopait.
Ce qui sera tout à fait de nature à réjouir ceux qui auraient voulu ajouter une ou deux coudées que le géant avait de trop, c’est que chez Beaupré, l’excès du développement physique correspondait à un manque complet de développement intellectuel, c’était un grand nigaud chez qui un défaut de langue rendait incompréhensible les quelques paroles intelligentes qu’il disait.
Le géant canadien est mort à l’âge de 22 ans; il est peu de héros qui aient autant fait parler d’eux en aussi peu de temps. Lors de sa première tournée aux États-Unis, les journaux américains rapportèrent que Beaupré parlait vingt langues ou dialectes sauvages.
Le mariage de Beaupré, des fois avec une géante, non pas du même sexe, mais de la même taille, et d’autres fois avec une timide institutrice d’un village des prairies était annoncé et faisait le tour des journaux au moins une fois tous les trois mois.
Beaupré était né à Willow Bunch, Territoire du Nord-Ouest, d’un père canadien et d’une mère métis.
Le Barnum qui exposait le géant à l’exposition de St-Louis a demandé la permission de l’embaumer et de l’exposer dans son cercueil.
La Patrie (Montréal), 5 juillet 1904.
Voir ici un premier reportage sur la visite du géant Beaupré dans l’est du pays à l’hiver 1901.