Au sujet de la chanson «En roulant ma boule»
En son temps, à la fin du 19e siècle, l’abbé François-Xavier Burque, curé de Fort Kent, dans l’État du Maine, prenait plaisir à écrire sur la chanson québécoise. Le voici ici sur la chanson En roulant ma boule. Il a écrit à l’hebdomadaire Le Monde illustré, qui publie son propos le 18 juin 1892.
Monsieur le Rédacteur,
Je ne crois pas me tromper en disant que la chanson :
Derrière chez nous y a-t-un étang,
En roulant ma boule, etc., etc.
est, après Vive la Canadienne, la chanson la plus populaire du Canada.
Cela s’explique, premièrement, par le charme de l’air qui, par ses notes gaies, par sa cadence vive et harmonieuse, flatte le cœur aussi bien que l’oreille et s’impose à tout le monde.
Cela s’explique, en second lieu, par la nature même des mots qui frappent l’imagination. Un étang, des canards qui s’y baignent, le fils du roi qui y va chasser…. et avec quelle arme ? avec un grand fusil d’argent, pensez-y donc ! En voilà plus qu’il n’en faut pour faire battre le cœur de tout vrai Canadien et lui chauffer le sang dans les veines.
Et puis ce nigaud de fils de roi qui vise le noir et tue le blanc, quel imbécile ! Jean-Baptiste se trémousse. Ah ! s’il eût été là, lui ! Mais ce qui met le comble à son transport, c’est de voir les diamants dans les yeux du canard, l’or et l’argent dans son bec, ses plumes qui s’en vont au vent, et ces dames, trois, qui courent après et les ramassent pour en faire un lit de camp ! Saperlote ! qu’il en avait de la plume, ce canard-là ! Voilà Jean-Baptiste transporté dans les splendeurs et les merveilles des Mille et une nuits.
On conçoit qu’une telle chanson, avec un air si bien approprié, se trouve partout dans la bouche du peuple canadien. Elle est digne de sa popularité. Cela est incontestable.
La poésie en est bonne.
La versification laisse à désirer. Mais pour la lecture seulement. Si vous chantez, vous ne vous apercevrez guère des rimes au pluriel accolées à des rimes au singulier.
Somme toute, il n’y a pas à retoucher cette chanson. Il faut la laisser intacte. Et on doit s’attendre à ce qu’elle sera toujours chantée par le peuple, en Canada.
Qui a composé cette chanson? Le sait-on?
J’ai en main l’ouvrage d’Ernest Gagnon, Chansons populaires du Canada, publiée chez Beauchemin en 1918, conforme, dit-on, à la première édition en 1880. Il la présente ainsi:
En roulant ma boule. Cette chanson du Canard blanc se chante en France, dans l’ouest, sur un air qui ressemble un peu à tous les différents airs sur lesquels nous la chantons ici.
J’ai l’impression, chère Anne, qu’il vous sera très difficile de trouver son origine précise. Un peu comme À la claire fontaine qui avait été apportée de France et qu’on présentait comme notre hymne national ici sous le Régime français.
Mais bravo de poser la question !