«Les bœufs savants»
Dans La Minerve (Montréal) du 1er juin 1882, paraît un article étonnant du journaliste et écrivain français Pierre Véron (1833-1900).
Pour la première fois, une affiche de cirque fait figurer en ses énumérations le nom d’un bœuf, animal résigné jusqu’ici à sa condition de beefsteak, sans autre ambition artistique.
C’est à l’Hippodrome que s’exhibent ces bêtes, exceptionnellement intelligentes, dont les exercices ont obtenu l’autre soir un succès d’estime.
Tout s’apprivoise dans la nature, même l’homme, disait Laurent Jay, le misanthrope.
Les bœufs savants sont une preuve nouvelle de cette vérité. Pellisson n’avait-il pas discipliné une araignée ?
N’avons-nous pas, dans les fêtes foraines, un théâtre des puces instruites ? Et aussi une arène des souris blanches dans laquelle ces trotte-menu évoluent avec une précision remarquable ?
Le bœuf n’en étonne pas moins à l’état de saltimbanque.
Ce gras et méditatif animal qui semble toujours absorbé par un vague souci, n’avait pas une réputation de clown. Il aspire à la conquérir. Je l’en félicite.
Pauvre bœuf ! On le met à toutes les sauces décidément. […]
Pauvre bœuf ! Le voilà acrobate.
La vérité force à constater qu’il n’est pas dans ses nouvelles fonctions d’une grâce parfaite. La Fontaine, s’il était encore de ce monde, en ferait peut-être une fable dont le : «Ne forçons point notre talent» serait la morale renouvelée de L’Âne et le petit Chien. […]
Ils dansent en cadence. Ils valsent, ils montent en voiture. Je ne suis pas sûr qu’ils ne sautent pas à la corde.
C’est assez amusant.
Ce qui l’est davantage, c’est la conception du monsieur qui pour la première fois se tient à peu près ce langage.
— Comme Jérôme Paturot, je suis à la recherche d’une position sociale. Que pourrais-je bien faire pour gagner ma vie ? …. Tiens ! si je dressais des bœufs.
J’ignore si vous voyez les choses au même point; mais cette inspiration soudaine me paraît tout à fait extraordinaire.
Il y a tant d’autres professions en ce monde depuis ministre ou député, jusqu’à marchand de peaux de lapins !
La gravure sur Pierre Véron, commentée par lui-même, apparaît sur la page Wikipédia en langue anglaise qui lui est consacrée.