Mai est peut-être le mois qui fait le plus s’épancher les populations
Cela se perçoit dans la presse québécoise ancienne. Si la température collabore, le ton change soudain. Bonjour tendresse. Le chroniqueur anonyme du bi-hebdomadaire Le Sorelois ne peut résister au bonheur de mai le 4 mai 1880.
On croit entendre de toutes parts les blés germer dans la terre et les plantes croître et se développer; des voix inconnues s’élèvent dans les silence des bois, comme le chœur des anges champêtres dont on a imploré le secours; et les soupirs du rossignol parviennent à l’oreille des vieillards assis non loin des tombeaux !
Le soleil ouvre la carrière du mois des fleurs, des parfums, de la poésie; du mois où la nature endormie d’un long sommeil secoue sa torpeur hivernale et s’éveille aux premiers baisers du printemps. Déjà, de l’autre côté de l’Atlantique, les brises répandent sur les sentiers la neige odorante des aubépines; les lilas courbent leurs branches sous le poids charmant de leurs grappes de fleurs; les pâquerettes et les boutons d’or émaillent le tapis d’émeraude des prés, les arbustes frissonnent sous les tièdes haleines du ciel, les oiseaux chantent dans les bois; la vie est revenue partout avec l’amour.
Le citadin remplit de fleurs sa cheminée, le paysan en enveloppe le seuil de sa chaumière, le soldat les sème dans la cour de sa caserne, autour de sa tente, s’il est au camp. […] Les fleurs sont l’imagination de la nature, tous les bons cœurs, toutes les têtes ardentes doivent les aimer. […] Tout ce qui dans notre monde est jeune, beau, élégant, poétique, tout ce qui égaie, inspire notre estime est plein de fleurs. La jeunesse, c’est la fleur de l’âge ! La beauté, c’est la fleur des sens !
L’amour, c’est la fleur de la vie; la foi, c’est la fleur de l’âme. Qui dit fleur dit excellence, et partout où il y a une idée poétique, il y a une fleur pour la représenter. On attache des fleurs sur notre berceau, on en sèmera sur notre tombe. L’épousée se couronne de fleurs d’oranger et celle qui va mourir de verveine. Mirabeau à l’agonie ne demandait plus que des fleurs à la terre qu’il allait quitter.
Je me souviens d’une histoire d’amour charmante. Elle commença le 1er mai par un bouquet de violette et finit le 1er juin par un bouquet de myosotis. Ce fut véritablement un amour en fleur, il était éclos avec le printemps, et il n’alla pas jusqu’à l’été; Dieu me garde de le mettre en feuilleton et de tacher d’encre cette jolie guirlande de primevères. Ils se rencontrèrent, ils s’aimèrent, se le dirent et se quittèrent en se jurant…. mais …..
Serment d’amour que font les filles
Valent les nids dans les grands blés !
Avant qu’on ait pris les faucilles
Tous les oiseaux sont envolés.