Ah ! Sorel !
Le Sorelois du 3 février 1888 est très fier, avec raison, de l’article que consacre le journal montréalais La Presse à la population de Sorel, ainsi qu’à la ville elle-même. Aussi n’hésite-t-il pas à le reproduire.
Voilà une petite ville remarquable par son site et par le type de ses habitants :
Les gens de Sorel
Ont l’bras mortel;
Les gens d’Maska
Sont d’forts à bras !
Nous ne garantissons ni la poésie ni la pureté de langage du quatrain ci-dessus, mais c’est un vieil adage sorelois et mascoutain, connu même des Montréalais, puisque nous nous en souvenons. Qui connaît un peu l’endroit n’a pas oublié les combats homériques entre les Sorelois et les Mascoutains [les habitants de Saint-Hyacinthe et des environs] les jours de marché à Sorel.
«Es-tu un homme pour moi ?» disait le Sorelois au Mascoutain, et vice versa, en le tapant légèrement sur l’épaule. C’était le signal. On formait un rond et les horions pleuvaient jusqu’à ce que de que l’un des champions fût à terre; alors on allait prendre un verre de rhum à l’auberge du coin, songeant à recommencer à chaque marché, car alors, Dieu merci, il n’y avait pas de police à Sorel…
M. De Laterrière, le père de l’ancien conseiller législatif, rapporte dans ses mémoires, qui n’ont été imprimés que pour les membres de la famille mais que nous avons pu lire il y a quelques années, grâce à l’obligeance de l’un d’eux, qu’il voyageait de Québec à Montréal en toutes saisons dans une voiture couverte dans laquelle il avait son lit, batterie de cuisine, etc. Il campait ainsi partout, détaillant sa marchandise.
Parlant des Sorelois d’alors, il disait : Je n’ai rencontré de pareils types d’hommes qu’au Portugal…… M. De Laterrière était Français et avait beaucoup voyagé. En effet, le Sorelois constitue un type à part.
Il n’est pas le même que jadis, car Le Sorelois pur sang est rare comme l’étranger ou le rapporté, comme on appelait tout nouvel arrivé là il ya quelques années, ayant envahi l’endroit.
Mais ça n’empêche que le rapporté a pris les allures du natif au point que l’on reconnaît encore et toujours le Sorelois… partout. On raconte qu’un Rév. Père Oblat prêchait un jour la passion dans l’église de Sorel…… un vieux Sorelois, tout ému de la parole imagée du prédicateur racontant les tortures endurées par le Sauveur, s’écria : «B…. me…. Y avait donc pas d’gens de Sorel !….»
Tête chaude…. cœur chaud….. tout chaud…. Tel est le Sorelois. Ils ont pour ancêtres les braves du régiment de Carignan, qui, après avoir dompté le cruel Iroquois, ont oublié la France en succombant aux charmes de la Canadienne, et ont ainsi peuplé Sorel, Berthier et leurs alentours.
Quant à l’avantage du site, Sorel n’a pas de rival dans notre province; le Richelieu et le Saint-Laurent en font une sorte de presqu’île.
Sorel est le chef-lieu de la navigation dans notre province. Cela a fait et fera sa fortune. C’est le rendez-vous obligé, le printemps et l’automne, des navigateurs de partout, et la majorité de la population de la ville est composée de navigateurs, ainsi que la nouvelle paroisse de Saint-Joseph, qui se trouve en face et qui progresse à vue d’œil.
Durant l’été, il règne une activité constante dans le port de Sorel par le va-et-vient continuel des nombreux vaisseaux de toutes sortes qui y passent ou y font halte. Durant l’hiver, le Richelieu est bondé de bateaux à vapeur, steamers, bâtiments de tout tonnage qui y font leur station d’hiver, le port de Sorel étant reconnu comme le plus avantageux de la province. […]
Il nous reste tant de choses à dire sur Sorel et ses avantages que nous sommes forcés de lui dédier un autre article prochainement.
La Presse.
La vue aérienne de Sorel prise vers 1960 est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds L’Action catholique, Dossiers de documentation du journal, Documents iconographiques, cote : P428, S3, SS1, D30, P133.
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