La maison Jacquet, à Québec, vient bien près de disparaître
Le 20 février 1886, le journal Le Canadien prévient que la «maison Montcalm» dans le Vieux-Québec disparaîtra sous peu.
On assure que M. Stafford, propriétaire de la vieille maison française située au coin de la rue St-Louis mieux connue sous le nom de «Quartiers de Montcalm», doit en ordonner la démolition.
Cette maison a un cachet particulier. Elle a appartenu, dit-on, à un ancien chirurgien de l’armée française, et la légende assure que c’est là que le général Marquis de Montcalm est mort de ses blessures [après la bataille des Plaines d’Abraham le 13 septembre 1759].
Nombre d’étrangers font le voyage de Québec expressément pour la visiter, et tout bon Québecquois verra disparaître avec chagrin cette relique du passé.
Pourquoi la Compagnie d’Hôtel du Château Saint-Louis n’achèterait-elle pas les «Quartiers de Montcalm» ?
Réparés et bien entretenus, il serait un lieu de pèlerinage historique pour les nombreux étrangers qui, l’été, fréquentent l’Hôtel St-Louis [tout juste en face, coin Saint-Louis et Haldimand, un hôtel aujourd’hui démoli] et qui viennent étudier le vieux Québec sur le vif.
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Tout d’abord, bien que cette légende urbaine ait couru pendant longtemps, il est faux de croire que le marquis de Montcalm est décédé dans cette maison en 1759.
Cette demeure a d’autres titres de gloire. Elle est la plus ancienne habitation de Québec, et a réussi à traverser le temps dans une relative intégrité. Le 30 septembre 1674, les Ursulines de Québec concède à cet endroit un petit lot au couvreur d’ardoise François Jacquet dit Langevin. Ce dernier se fait construire une maison par son voisin, le maître charpentier Pierre Ménage, qui habite de l’autre côté de la rue des Jardins.
En 1677, au décès de Jacquet, sa filleule Anne-Marie Ménage, fille de Pierre, hérite de la maison. Onze ans plus tard, le maître maçon et architecte François de la Joüe acquiert la maison à la suite de son mariage avec mademoiselle Ménage. Au début des années 1690, de la Joüe la reconstruit en pierre. On la décrit ainsi en 1699 : «… une maison de pierre à deux étages et feux avec dépendance; la dite maison contenant vingt cinq pieds de front en longueur et vingt pieds en largeur, avec cave dessous et grenier pardessus les dits deux étages. Un escalier au dehors pour y monter, et une galerie couverte en appentis au derrière de ladite maison…»
En 1957, la maison Jacquet, véritable témoignage des manières de bâtir du dernier quart du 17e siècle, est classée monument historique.