Deux sœurs de la grande famille des Asters
Selon le frère Marie-Victorin (Flore laurentienne, Presses de l’université de Montréal, 1964), on recense au moins 150 espèces d’asters uniquement en Amérique du Nord. L’Amérique orientale tempérée offre «le plus grand nombre de ses espèces, la plus grande profusion des individus, la plus grande variabilité, et atteint le maximum de taille et de beauté».
Chez moi, certains plants d’aster, spectaculaires, font facilement plus de deux mètres de haut.
Celle ci-haut serait l’Aster simple (Aster simplex, Simple Aster), une «plante universelle dans les lieux humides du Québec». Sur mon grand terrain, elle est tout de même moins abondante que la seconde, l’Aster à ombelles (Aster umbellatus, Umbellate Aster). «Les fleurs blanches de cette ubiquiste et très robuste plante, écrit Marie-Victorin, sont une des notes dominantes de l’été dans le Québec, et surtout dans les Laurentides.»
Votre blogue offre une diversité impressionnante de sujets. C’est un grand voyage dans le temps (des plus divertissant) et dans la connaissance humaine au gré de la connaissance fine de notre territoire et de notre sociologie. On en redemande ! Par ailleurs, je ne manque pas un de vos passages (trop peu nombreux) à la radio, où on constate que dans le discours oral aussi vous êtes un fin raconteur. Le dernier passage en date serait peut-être au «Chemins de travers» à Radio-Canada. Pour les mêmes raisons, j’apprécie également beaucoup le travail de votre proche cousin en esprit Jacques Lacoursière.
J’ai demeuré 15 ans à Québec (je suis maintenant à Gatineau) et j’étais alors plus en contact avec vos activités et publications. Mais ce blogue vient me ratrapper et me renvoyer à mes bons souvenirs de ces années. C’est bien à cela que ce média doit servir.
De mon côté, pendant ces 15 ans, je sautais dans mon auto à tous mes mercredis de congé pour aller explorer les oiseaux et les plantes (hé oui, un autre passionné de sciences naturelles), les paysages (modelés par l’homme ou non) et le patrimoine bâti des alentours. J’en suis venu à connaître tous les petits chemins secondaires et les points de vue inédits de la région : Portneuf, Côte-de-Beaupré, Lotbinière, Chaudières, Bellechasse, Côte-du-Sud, île-aux-Grues. Que de beautés ! Depuis 2002, je fais la même chose dans l’Outaouais et dans l’Est de l’Ontario où je me promène dans la Petite Nation, comté de Prescott-Russell et de Lanark, rivière Rideau jusqu’à Kingston, île Amherst, Témiscamingue, Pontiac, Collines-de-la-Gatineau, Haute-Gatineau, Parc de la Gatineau, etc. On ne chôme pas. Il m’a été donné aussi de faire une petite découverte historique alors que j’effectuais du bénévolat pour Les Collections de l’Université Laval (pavillon de l’ancien Petit Séminaire), à identifier, classer et renommer les espèces d’oiseaux naturalisés, en compagnie de M. Jean-Marie Perron, qui lui s’occupait des collections entomologiques. Nous sommes tombés sur des calepins de terrain d’un des premiers grands ornithologues du Canada : Taverner. C’était alors qu’il explorait les environs d’Ottawa, y compris de nombreuses excursions dans le secteur d’Aylmer, à cette époque en pleine nature sauvage (on parle de 1910-1920). Par exemple, au Musée canadien de la Nature on peut voir un couguar qui a été abattu par un agriculteur à Aylmer en 1929… Comment les calepins de Taverner se sont retrouvés à Québec ? Peut-être un échange de documents entre scientifiques avec un certain Léon Provancher. Si on fouillait dans les archives des Collections, on retrouverait sans doute la source de l’acquisition. Les Collections m’ont permis de photocopier ces notes et de les acheminer à notre compilateur régional de la banque EPOQ (Étude des populations d’oiseaux du Québec) pour additionner de précieuses données historiques à notre connaissance de l’évolution des populations. Mais, quel casse-tête pour associer ces très anciens noms anglais d’oiseaux à leurs désignations actuelles !! Il lui faudra étudier toute l’évolution de la taxinomie depuis les années 1910 !!
Ici une dame a publié un livre peu ordinaire sur l’histoire de l’Outaouais: chaque localité est scrutée à la loupe: amérindiens, colonisation, sociologie, architecture, etc. De nombreuses photographies. Mais elle a décidé de publier à compte d’auteur et son œuvre ne s’est finalement pas distribuée: il n’existe que quelques dizaines de copies que l’on ne peut se procurer que chez l’auteure elle-même.
Parlant classification du vivant, je réponds à cette chronique sur vos asters pour vous apporter quelques mises à jour concernant la nouvelle nomenclature. La plupart des asters nord-américaines sont maintenant du genre Symphyotrichum. L’Aster simple fait partie d’un vaste complexe de sous-espèces et de variétés. Il s’agit plutôt maintenant de l’Aster lancéolé, S.lanceolatum, sous-espèce lanceolatum, variété lanceolatum. La variété interior (du Continent) existe en tant que grande rareté à l’extrême sud-ouest du Québec. Nous avons aussi au Québec S.lanceolatum, sous-espèce hesperium (de l’Ouest), que nous retrouvons sur notre frontière sud-ouest. Le simplex est ramené maintenant au niveau de variété du S. lanceolatum (S.lanceolatum, sous-espèce lanceolatum, var. simplex (Simple)) et elle se distribue dans les plaines de l’ouest jusqu’à l’ouest des Grands Lacs. À moins que vos asters soient des échappées de culture, ce dont je doute, alors oui il se peut que ce soit la variété simplex que je viens de citer ou un hybride de simplex avec d’autres Symphyotrichum, lesquels sont très souvent utilisés pour les jardins. Quant aux asters à ombelles, elles portent toujours (et avec grâce) le même nom français, mais ce sont maintenant des Doellingeria…soit D. umbellata. La source imparable des noms de plantes ? VASCAN (Vascular Plants Canada). À voir sur le net.
Au plaisir de vous lire encore très longtemps
Claude Martineau, membre du COO (Club des ornithologues de l’Outaouais) et ancien membre du COQ. Membre de Flora Quebeca.
Merci beaucoup, cher Monsieur Martineau, de votre riche message. Tant de sujets que vous évoquez. La découverte de la riche région de l’Outaouais après celle de Québec. Je ne peux m’empêcher de penser que, rentrant à la maison à la fin de la journée, refermant la porte derrière vous, vous êtes invariablement fort heureux d’avoir découvert un nouveau sentier au cours de vos dernières heures. Les collections de l’université Laval; j’y étais voilà quatre jours pour la visite des collections archéologiques, déposées là maintenant, collections commentées par mon ami l’archéologue Marcel Moussette. Les calepins de ce cher Taverner. Ce couguar de 1929.
J’ai la grande histoire régionale de l’Outaouais, mais je n’avais pas entendu parler de celui de cette dame tiré à très peu d’exemplaires.
Sur l’Aster, bien sûr que je me fie tout à fait à vous, vous grand spécialiste aussi de notre flore.
Merci encore de nous avoir tant donné à partager.