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La loutre

J’aime beaucoup les écrits de Jean-Camille Fulbert-Dumonteil (1831-1912), grand chroniqueur gastronomique, mais avec un intérêt non moins grand pour la nature. Aujourd’hui : la loutre. Le quotidien La Patrie du 4 juillet 1890 reproduit son texte.

La loutre est notre chien de pêche, un épagneul aquatique qui, bien dressé, rapporte, au lieu des perdreaux, des carpes, des brochets, Mais nous n’apprécions pas assez son intelligence, sa docilité et ses talents.

Cet animal affectueux et charmant, très sensible à nos caresses, rechercherait volontiers la collaboration de l’homme. La nature nous l’a donné comme auxiliaire, et nous en faisons un réfractaire. Dieu l’a créé pêcheur et nous le traitons en braconnier. C’est notre compagnon de pêche et nous le traquons comme un gibier.

Nous le laissons pêcher pour son propre compte et il dévaste nos rivières. Lorsqu’il est dressé, il se jette à l’eau plonge et choisit le plus beau poisson, remonte, nous remet sa capture en échange d’un peu de leurre.

Les Chinois, si patients et si habiles dans l’art d’instruire les animaux, ont de vrais équipages de loutres qui prennent d’énormes quantités de poissons. Pour empêcher la loutre de déchirer sa proie, le pêcheur chinois lui enveloppe les canines d’un petit dé de cuir, comme il passe un anneau au cou du cormoran.

La domestication de la loutre en Chine remonte à plusieurs siècles. Son éducation n’est qu’un jeu, un plaisir, ce qui n’empêche pas qu’une loutre bien dressée se vend très cher.

La loutre est essentiellement aquatique. L’eau est son domaine, sa demeure la fente d’un rocher, le creux d’un arbre au bord des eaux. Si sa démarche est pénible et lente sur terre, sa souplesse et son agilité sont étonnantes lorsqu’elle nage.

Elle plonge, reparait, glisse, ondule, se joue et se balance, s’éloigne, revient, se tourne, se courbe, s’allonge, saisit un poisson, le lâche, le reprend, l’apporte sur la rive, le lave avec des soins infinis et l’avale délicatement comme une bouche friande engloutirait une dragée.

L’homme a toujours préféré la fourrure de la loutre à son amitié. Au lieu de se l’attacher, il la persécute; au lieu de la dresser, il la tue.

 

La photographie de ces deux loutres de rivière, nord-américaines, apparaît sur la page Wikipédia qu’on consacre à la loutre.

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