Montréal, une île, une ville
Certains y ont tant rêvée ! Et jamais on n’a pu y arriver. Voilà plus de 100 ans, on y songeait vraiment sérieusement. Le mardi 6 juin 1893, la ville de Montréal tient une réunion sur le thème «L’île de Montréal, une seule et même municipalité». La Patrie y fait écho.
Le comité spécial d’annexion a eu une séance extraordinaire, hier après-midi, dans la salle du Conseil municipal. Tous les maires et conseillers de l’île de Montréal avaient été invités et bon nombre se sont rendus, entre autres MM. Descarries, maire, Léon Descarries, secrétaire, et John L. Brodie, conseiller de Notre-Dame de Grâce; M. Dunlop,maire, E. Cooke, Thomas Gall, G. Languedoc. A. Joyce, conseilleurs d’Outremont; Georges Jeffrey, maire de la Côte Visitation; K. Bélanger, maire, et Léonidas Villeneuve, conseiller du Mile-End; W, Clarke, conseiller de Verdun; M. Dagenais, maire de St-Henri; Hénault, Morin et Ducharme, de Ste-Cunégonde; Davidson, maire de la côte St-Paul; S. S. Baine, maire de Verdun, et plusieurs autres. […]
Le maire ouvrit la séance par des paroles de bienvenue.
Je suis heureux aujourd’hui, dit-il, de vous rencontrer dans un but important. Vous, représentants des municipalités voisines, vous n’avez pas été jaloux des progrès considérables qu’a fait Montréal depuis quelques années. Vous avez profité de notre prospérité et votre désir d’en prendre votre part est bien légitime. Vous comprenez qu’il est temps d’unir dans les mêmes intérêts tous les citoyens qui habitent l’île de Montréal.
Nous avons tenté d’annexer une municipalité. Mais nous n’avons pas réussi; toujours, de nouvelles difficultés ont surgi et nous comprenons que l’annexion devra se faire en bloc. Nos intérêts commerciaux sont identiques; aucune barrière naturelle ne nous divise; il n’y a que la barrière artificielle qui aurait dû être enlevée il y a plus de 30 ans. L’approvisionnement de l’eau est déjà une question très importante et qui mérite la plus grande considération.
Toronto n’a pas craint d’annexer un grand territoire pour se donner plus d’importance au point de vue de la population; pourquoi Montréal n’en ferait-elle pas autant ? Une objection bien fondée est soulevée au sujet des taxes qu’il faudra payer, mais il faut remarquer que les propriétés rurales ne seront pas plus taxées qu’elles ne le sont aujourd’hui et qu’elles ne seront pas appelées à payer pour des améliorations dont elles ne profiteront pas directement.
Il y a des municipalités, cependant, Ste-Cunégonde par exemple, qui peuvent immédiatement former un quartier important de Montréal. Je comprends qu’une question de cette importance ne peut être réglée en un jour, mais je vous conseille de former entre vous un comité pour l’étudier; vos pourrez vous réunir ici, les salles de l’hôtel de ville sont toujours à votre disposition et j’espère que vous pourrez en venir à une entente. […]
Plusieurs autres ont adressé la parole.
L’échevin Préfontaine s’est prononcé fortement en faveur du projet de faire une seule municipalité de toutes les municipalités de l’île de Montréal. Il dit qu’on pourrait faire ici ce qui est fait à Londres au sujet du système de taxation.
M. l’échevin Robert, président du comité d’annexion, a parlé dans le même sens. […] Il a été décidé finalement que chaque maire de municipalité formera un comité spécial pour choisir les délégués de chacune des municipalités devant former le comité général, puis la séance fut levée.
Sur invitation, tous se sont rendus dans les appartements de Son Honneur le maire, où M. Krantz, commissaire des la France à Chicago, a donné une réception. M. Krantz était accompagné de M. H[onoré] Beaugrand.
Un lunch exquis a été servi ensuite.
Et l’idée de Montréal, une île, une ville, n’aura pas de suite.
Le drapeau de Montréal apparaît sur la page Wikipédia qui lui est consacrée.