Comparaison des saisons
Me voilà dans Bion, un poète bucolique grec, natif de Smyrne, aujourd’hui une ville de Turquie, contemporain du poète Théocrite, qui vécut au troisième siècle avant le Christ. On n’en sait guère davantage sur cet homme sinon qu’il serait peut-être mort empoisonné, possiblement volontairement. Les quelques textes que nous possédons de lui furent publiés la première fois à Bruges, en Flandres, en 1585, traduits en latin.
L’un de ces textes s’intitulent «Comparaison des saisons». Dialogue entre deux bergers.
Cléodamos, l’Athénien, demande à Myrson :
Laquelle aimes-tu, Myrson, des quatre saisons, printemps, été, automne, hiver ? Laquelle préfères-tu voir arriver ? Est-ce l’été, qui parfait tous nos travaux des champs ? ou le doux automne, quand la faim est légère aux hommes ? ou même l’hiver peu propice aux travaux, puisqu’aussi bien en hiver beaucoup se délectent devant un bon feu à ne rien faire et à paresser ? Ou bien est-ce le beau printemps qui te plaît davantage ? Dis ce que tu préfères en ton cœur. Nous pouvons causer : nous sommes de loisir.
Et Myrson de lui répondre :
Il ne sied pas aux mortels de juger les œuvres des dieux; car elles sont toutes sacrées et ont toutes leurs agréments; mais pour te faire plaisir, Cléodomos, je te dirai franchement celle qui, à mon sentiment, est la plus agréable de toutes. Je n’aime pas voir arriver l’été, parce qu’alors le soleil me rôtit. Je n’aime pas l’automne, parce que cette saison amène la maladie. Le funeste hiver qui apporte la neige et les frimas me fait peur. C’est le printemps trois fois désiré que je voudrais voir durer toute l’année, quand ni le froid ni le soleil ne nous importune. Au printemps tout se gonfle de sève, tout ce qui réjouit germe au printemps, et la nuit et le jour sont pour les hommes égaux et pareils en durée.
Extrait de l’ouvrage Les bucoliques grecs, Théocrite, Moschos et Bion, traduction nouvelle avec notices et notes par E. Chambry, Paris, Librairie Garnier, Frères, 1931, p. 188.
Ah, ce printemps… qui nous ramène les couleurs, les odeurs, la terre… Peu importe notre âge, y a des jours on se sent comme les petits veaux qui sortent de l’étable en gambadant !
Absolument.