Une tempête qualifiée d’ouragan
Il est extrêmement rare qu’on recourt au mot «ouragan» pour qualifier une tempête de neige dans la presse québécoise d’autrefois, si importante soit-elle. J’en retrouve une mention dans le bi-hebdomadaire Le Trifluvien du 28 décembre 1894, qui qualifie d’ouragan une bonne tempête de neige de la veille à Trois-Rivières. Et en voici une seconde dans Le Canadien, quotidien de Québec, du 29 novembre 1889.
Le plus violent ouragan dont on ait mémoire depuis une vingtaine d’années a passé sur Québec durant la journée et la nuit d’hier. Le vent soufflait à une vitesse de 70 milles à l’heure, charriant la neige en nuages épais qui s’engouffraient en tourbillonnant dans les rues. La circulation était presqu’impossible. En certains endroits, la neige s’est amoncelée par bancs énormes, tandis qu’ailleurs le vent balayait tout sur son passage. Des toitures ont été enlevées et emportées à distance; plusieurs cheminées ont été décoiffées, et le nombre de celles qui ont flambé est si considérable que la brigade du feu a été tout le temps sur les dents. On n’entendait qu’alerte sur alerte; on en a sonné plus d’une vingtaine : heureux sommes-nous d’avoir échappé à une conflagration. Par un temps pareil, l’élément destructeur en aurait-il fait des ravages !
Le fleuve était affreux à voir hier. La mer était si grosse que les vagues déferlaient sur les quais. Inutile de dire que le service des traversiers a été d’une extrême difficulté. Dans le bassin Louis, où un grand nombre de vaisseaux de toute sorte ont pris leur quartier d’hiver, l’ouragan a causé de fortes inquiétudes. Plusieurs bâtiments ont traîné leurs ancres et sont venus se masser le long des quais.
* * *
La tempête qui sévit depuis mercredi a donné de la besogne aux pompiers, et, ce qui plus est, comme elle a été tout à fait impromptue, elle les a pris au dépourvu, c’est-à-dire encore avec leurs voitures d’été. Cela ne les a pas empêchés cependant, en dépit des alarmes nombreuses, de se rendre partout à temps pour prévenir des incendies sérieux.
Mais dimanche, le 1er décembre, il semble que tout a été oublié. Le Canadien écrit le lendemain :
Le temps a été superbe toute la journée hier. Aussi tout le monde en a profité pour se promener. Nos grandes voies regorgeaient d’équipages de toute sorte. […] Une trentaine d’hommes ont terminé hier de réparer les dégâts causés aux fils électriques par la tempête de jeudi dernier. Hier soir, le brillant luminaire a été distribué dans toute la ville qui est enfin sortie de l’obscurité complète dans laquelle elle était plongée.
L’illustration de A. S. Brodeur provient de L’Album universel du 20 décembre 1902. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Tempêtes de neige».