«N’oubliez pas ma fenêtre»
Une poète, un poète, qui signe simplement D, y va d’une adresse à ses oiseaux.
Doux chantres de la nature,
Petits oiseaux, tout l’été
Je vous donnais la pâture,
Vous m’apportiez la gaieté.
Les beaux jours vont disparaître.
Mais mon cœur vous est connu;
N’oubliez pas ma fenêtre,
Quand l’hiver sera venu.
Nous avions de douces choses,
Pour déjeuner sans façons,
Vous du pain frais sous mes roses,
Moi des fruits et mes chansons.
De notre commun bien-être
Pour toucher le revenu,
N’oubliez pas ma fenêtre
Quand l’hiver sera venu.
Que de fois, pauvre malade,
J’ai quitté mon oreiller
Pour vous payer d’une aubade
Qui m’aidait à travailler !
Vous qui jeûneriez peut-être
Sous les yeux d’un parvenu,
N’oubliez pas ma fenêtre
Quand l’hiver sera venu.
Un matin que mes louanges
Montaient vers le Créateur
Je rêvais qu’avec les anges
Ma fille chantait en chœur.
O vous qui me semblez être
L’écho d’un monde inconnu,
N’oubliez pas ma fenêtre
Quand l’hiver sera venu.
Votre gaieté vive et franche,
Peut combattre les autans,
Mais moi dont le front se penche,
Verrais-je ou non le printemps ?
J’attends l’arrêt du Grand Maître….
S’il ne m’est pas parvenu,
N’oubliez pas ma fenêtre
Quand l’hiver sera venu.
Le Sorelois, 12 décembre 1884.
J’aime ces petits poèmes de rien échappés ça et là dans la presse québécoise de l’époque. Un quidam, une quidam prend la parole l’espace d’un instant et on la lui donne.